Commentaire du rapport de l’ONERC « Les événements météorologiques extrêmes dans un contexte de changement climatique »

by in Actualité, Revue 16 octobre 2019

Proposé par Régis Juvanon du Vachat, contributeur à la revue Pollution Atmosphérique.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce rapport de l’Observatoire National des Effets sur le Réchauffement Climatique (ONERC) avec qui j’ai travaillé dans le passé. Le titre est très suggestif puisqu’à chaque catastrophe météorologique (tempête, inondation, canicule) on ne manque pas de demander aux spécialistes si elle a un lien avec lechangement climatique en cours. On reste souvent sur sa faim, avec une réponse qui se réfère aux échelles de temps : évènement météorologique ponctuel en face d’une tendance de long terme pour le changement climatique. N’oublions pas cependant que le débat sur le lien cyclones et changement climatique est très vif aux Etats-Unis, et l’était même déjà avant le cyclone Katrina (2005).  D’après l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), les phénomènes liés au temps, au climat et à l’eau sont à l’origine de 90% des catastrophes naturelles, que sont tempêtes, cyclones, inondations, avalanches et mouvements de terrain, canicules et vagues de froid, enfin sécheresses.

Le bilan financier de ces désastres météorologiques a atteint un record en 2017 avec 400 milliards de dollars d’après les caisses de réassurance. Le rapport étudie leur présence dans le climat passé et présent, leur évolution dans un climat changeant, les risques encourus et leur prévention. Il est un peu compliqué de traiter chaque phénomène dans ces trois parties, aussi je me limite à quatre phénomènes : tempêtes, inondations, avalanches, et canicules, pour lesquels je synthétise le rapport.

Pour les tempêtes en France métropolitaine, leur nombre s’est réduit de moitié entre les périodes 1980-1995 et 1995-2015, ce qui pourrait s’expliquer par l’augmentation de la rugosité de surface (urbanisation, augmentation des forêts). Les projections climatiques ne montrent pas de tendance significative de long terme aux horizons 2050 ou 2100, ni d’influence humaine. La prévention est organisée avec la procédure de vigilance météoro-logique développée en 2001 à la suite des tempêtes Lothar et Martin (déc. 1999) et qui concerne : vent violent, fortes pluies, orages, neige-verglas, avalanches. Elle est régulièrement améliorée par retours d’expérience et étendue à d’autres phénomènes. Un site permet aussi de disposer des chroniques complètes des tempêtes depuis 1980 (www.tempetes.meteo.fr) et la saison cyclonique 2017 aux Antilles, avec les cyclones Irma et Maria est présentée en détail.

Pour les inondations, l’origine peut être : précipitations intenses (crues rapides), longues périodes humides (crues lentes). Un exemple de crues rapides est fourni par les épisodes cévenols, dont le risque augmente avec le changement climatique. Ces crues rapides peuvent aussi être engendrées par la fonte du manteau neigeux, à la suite d’une augmentation des températures, ou des précipitations. Pour les crues lentes, on se réfère à la statistique, soit à des crues décennales qui pourraient décroître au Sud et augmenter au Nord. La prévention est effectuée par le réseau Vigicrues, qui surveille 22 000 Km du réseau hydrographique français (500 agents sur le terrain et 3000 stations hydrométriques) pour définir un niveau de risque de crues sur les 24h à venir.

Les avalanches dans les Alpes sont connues grâce à l’Enquête Permanente sur les Avalanches qui les enregistre dans 3000 couloirs depuis le début du XXème siècle. On observe un maximum relatif d’activité avalancheuse autour de 1980, suivi d’une décroissance, et aussi une diminution de la proportion d’avalanches avec aérosol depuis 1970 (non enregistrées avant). Mais cette évolution globale masque un effet d’altitude. A basse altitude, en dessous de 1500 m, la diminution des avalanches est liée à la forte baisse de l’enneigement due au réchauffement climatique. Au contraire, à plus haute altitude, l’augmentation est peut-être due à l’accroissement de la variabilité climatique hivernale et de l’activité avalancheuse de neige humide. Ceci s’applique aux Alpes du Sud dont l’altitude, en moyenne, est plus élevée que dans les Alpes du Nord. Les projections climatiques renforcent ces tendances pour les Alpes.

Les canicules revêtent une portée symbolique importante depuis l’hécatombe catastrophique de 2003 (15 000 décès) qui a entraîné des mesures spécifiques, avec le plan canicule en 2004. Les simulations du climat futur, réalisées à l’issue de l’évènement, présentaient cet été caniculaire comme très fréquent en 2050, ce qui a renforcé la vigilance. L’évaluation de ce plan canicule sur les canicules de 2006 (1000 décès), de 2015 (1700), de 2017 (345), de 2018 (1500) a démontré son efficacité, bien qu’elles soient de moindre amplitude qu’en 2003. Restons vigilants cependant, puisque la perception du risque associé à la canicule reste très faible (4% même chez des personnes âgées) !     

D’autres évènements extrêmes sont étudiés comme les feux de forêt, les laves torrentielles, les pluies intenses, les sécheresses, et les vagues de froid, ce qui en fait un ouvrage très complet. La détection et l’attribution de l’influence humaine a été étudiée sur six évènements climatiques ou météorologiques extrêmes et conclut, comme le colloque « Our common future under climate change » (Paris, juillet 2015) que l’influence humaine sur les canicules est probable et aussi sans doute sur les pluies extrêmes. Mais les évènements neigeux, les risques gravitaires ou liés aux glaciers n’ont pas encore fait l’objet d’études sérieuses sur cette influence humaine.   

Enfin j’ai découvert la création d’un Observatoire National des Risques Naturels en 2012 à la suite de la tempête Xynthia en 2010 (www.orn.fr), mais aussi le développement de plans de prévention des risques pour l’aléa submersion marine, appelés « Plans de Prévention des Risques Littoraux » (PPRL). Des affiches de sensibilisation pour le grand public sont diffusées concernant la canicule ou le grand froid, mais aussi les pluies méditerranéennes intenses (cf. le site de Météo-France : www.pluiesextremes.meteo.fr) ! En conclusion ce volume est un document d’expertise extrêmement riche, au plan parfois compliqué. En effet chaque sujet est traité successivement par différents auteurs, ce qui ne facilite pas la synthèse.  Il restera un document de référence sur les événements extrêmes.

Retrouvez le rapport de l’ONERC ici.