Communiqué « Clean tech and climate policy could cut fossil fuel profits by two thirds » de Carbon Tracker

by in Actualité, Revue 15 juin 2020

Un résumé proposé par Lionel Charles (membre de l’APPA)

Carbon Tracker est un think tank financier à but non lucratif qui a pour objectif de promouvoir un marché global de l’énergie sûr pour le climat à travers l’ajustement des marchés de capitaux à la réalité climatique. Dans son dernier rapport, le think tank propose une analyse globale de l’économie des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) et de ses vulnérabilités à l’aune des transformations du secteur de l’énergie dans le contexte de la transition énergétique, prenant en compte à la fois les évolutions des deux dernières décennies, les implications de l’accord de Paris mais également l’impact plus récent de la crise du Covid-19.

L’essor des énergies vertes

 Le rapport met en garde contre un possible manque d’anticipation du secteur des énergies fossiles confronté à un déclin potentiellement irréversible. Les évolutions actuelles font l’objet d’analyses divergentes de la part des compagnies : certaines, comme ExxonMobil, envisagent le maintien de prix élevés, la poursuite d’une demande importante et donc d’une profitabilité également importante au moins jusqu’en 2040, quand d’autres au contraire s’engagent dans le repli et la diversification. C’est le cas de Shell, Repsol, Total ou BP, attentifs aux mutations d’ensemble du secteur de l’énergie, à la place croissante prise par l’électricité, à la baise du prix des énergies renouvelables, d’ores et déjà compétitives dans 85 % des pays avec les énergies fossiles, et aux orientations futures du secteur compte tenu des mesures politiques prises en faveur du climat et de la sécurité énergétique dans le cadre notamment de l’Accord de Paris. Ces différents éléments incitent à la hausse de la demande d’énergies vertes quand celle d’énergie fossiles est exposée au repli.

L’impact de la crise Covid-19

La crise du Covid-19 a constitué un choc particulièrement brutal pour le secteur des énergies fossiles en suscitant un effondrement de la demande face à une offre devenue massivement excédentaire. On estime à 9 % la baisse possible de la demande de pétrole en 2020. Confrontés aux limites des capacités de stockage, les producteurs ont été contraints à une baisse considérable des prix. Le prix du baril a même enregistré, pendant un court moment, des valeurs négatives. Cette situation paroxystique pourrait marquer, selon le rapport, le pic de la demande, initialement envisagé à l’échéance de quelques années, la baisse des prix ayant pour conséquence de fragiliser les producteurs soumis à des coûts élevés (pétrole de schiste américains, par exemple), voire les Etats pétroliers (Arabie saoudite).

Elle est à replacer dans une perspective de long terme. Le système des énergies fossiles est vulnérable en ce qu’il croît lentement, est soumis à des coûts fixes importants, avec un faible retour sur investissement et projetant, de façon irréaliste, son expansion en dépit de la perspective du pic de la demande. Comme indiqué précédemment, la baisse du prix des énergies renouvelables et la mise en place de politiques plus agressives en faveur de la transition vont entrainer, secteur après secteur, des pics, comme cela a déjà été le cas pour le charbon, par exemple, donc une baisse des prix et des profits, avec des actifs inexploités.

L’impact est d’abord financier, anticipé par les marchés boursiers, avant de se traduire par la dépréciation des ressources physiques. La baisse de la demande expose très fortement les compagnies impliquées dans l’expansion du système. Ceci se traduit par des délaissements d’actifs (stranded assets) et la déstabilisation possible des économies de certains Etats pétroliers. Le transfert vers les énergies renouvelables constitue aussi une incitation importante pour les Etats importateurs (Chine, Europe, Inde, représentant 80 % de la population mondiale) leur permettant d’économiser des flux annuels de l’ordre de 1000 à 3000 milliards de dollars.

Quel avenir pour les énergies fossiles ?

Le rapport de Carbon Tracker indique que, dans le cas d’une baisse de la demande de 2% par an, en ligne avec l’accord de Paris, la baisse des profits serait de l’ordre de 2/3 à 14.000 milliards contre 43.000 estimés à partir des évaluations de l’Agence internationale de l’énergie. Etant donné le poids du système des énergies fossiles (producteurs de charbon, de pétrole et de gaz, fabrication et exploitation de centrales énergétiques, d’automobiles, de camions, d’avions et de bateaux, industrie de l’acier, cimenteries, pétrochimie, aluminium et compagnies qui approvisionnent et construisent leurs infrastructures), ce phénomène pourrait mettre en péril la stabilité financière globale.

Carbon Tracker estime donc dans son rapport qu’au vu des prévisions, le futur des énergies fossiles est plus qu’incertain. Selon le rapport les risque pesant sur  l’industrie des énergies fossiles devrait inciter les pays (importateurs comme exportateurs) à accélérer leur transition vers les énergies vertes, afin d’amortir les conséquences économiques. Ces énergies présentent des intérêts économiques conséquents pour les pays : elles se vendent de mieux en mieux; et leur production est bien plus rentable. Le rapport alerte finalement clairement les investisseurs sur les risques d’investir dans les énergies fossiles aujourd’hui : « Les risques inhérents au système des énergies fossiles sont plus élevés que l’évaluation qui en est faire par les marchés financiers. Les investisseurs doivent augmenter leurs taux d’actualisation, réduire les attentes en matière de prix, diminuer les valeurs finales et prendre en compte les couts de dépollution ».


Retrouvez le communiqué à l’adresse https://carbontracker.org/clean-tech-and-climate-policy-could-cut-fossil-fuel-profits-by-two-thirds/