Ressenti des effets du bruit routier et de la pollution de l’air : quels déterminants ?

by in Revue 9 septembre 2020

Ressenti des effets du bruit routier et de la pollution de l’air : quels déterminants ?

Feeling of the effects of road-traffic noise and air pollution: what are the determining factors ?

Sarah Mahdjouba* Martine Hoursa, Mouloud Haddaka
a Univ Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, Ifsttar, UMRESTTE, UMR T9405, 25 Avenue F Mitterrand, F-69675 Bron cedex, France; email: sarah.mahdjoub@gmail.com, martine.hours@ifsttar.fr, mouloud.haddak@ifsttar.fr
*Corresponding author: sarah.mahdjoub@gmail.com; tel.: + 33 (6) 58 22 08 38 

Résumé

Introduction : La gêne et les symptômes exprimés au quotidien (fatigue, maux de tête, irritation oculaire, nasale, nausée, manque de concentration, etc.) joueraient un rôle important dans la perception de la pollution de l’air et de son risque sanitaire ; deux types de perception qui semblent exercer une influence l’une sur l’autre. De plus, les symptômes diagnostiqués chez un individu peuvent influencer la perception du risque sanitaire et la gêne qu’il ressent ou inversement. Qu’en est-il pour le bruit ?

L’objectif de ce papier est d’étudier les déterminants du ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air, et de s’intéresser à la manifestation de ce ressenti au travers du type d’effets sanitaires ressentis ainsi qu’au travers des symptômes ressentis en général au cours du dernier mois précédant l’enquête.

Méthodologie : Un échantillon de 277 personnes âgées de 18 ans et plus, vivant dans le Département du Rhône (France), a été interrogé via un questionnaire en ligne en 2014. Les diverses associations ont été analysées par modèle de régression logistique. Le ressenti des effets sanitaires liés au bruit et à la pollution de l’air a été évalué via une question binaire (Oui/Non).

Résultats : Notre étude montre que les facteurs liés à la santé semblent jouer un rôle dans le ressenti des effets sanitaires liés au bruit et à la pollution de l’air. Ceux qui ressentent une fatigue auditive et qui ont tendance à déprimer, ressentent plus les effets du bruit tandis que ceux qui ont des maux de gorge et qui souffrent de nervosité ressentent plutôt les effets de la pollution de l’air. De plus, la gêne liée à la pollution de l’air participe également à un tel ressenti.

Conclusion : Ces résultats laissent supposer une prise de conscience individuelle. Certes, une conscience collective accompagnée d’une responsabilité collective semble se dessiner ces dernières années mais il paraît nécessaire voire indispensable que chaque individu ait conscience de l’impact que ces nuisances peuvent avoir directement sur leur propre santé. Nos résultats pourraient conduire à une meilleure prévention des comportements individuels et ainsi tendre, sur le long terme, vers une amélioration de la santé des populations.

Mots clés : ressenti, symptôme, gêne, bruit, pollution de l’air

Abstract

Introduction : The annoyance and the symptoms daily expressed (fatigue, headache, eye irritation, nasal irritation, nausea, lack of concentration, etc.) would play an important role in the perception of air pollution and its health risk. These two kind of perception seem to influence one another. Moreover, the symptoms diagnosed in a person could influence his own health risk perception or the degree of the annoyance felt or vice versa. What about road-traffic noise ? The aim of this paper was to identify the explaining factors of the feeling of the effects of road-traffic noise and air pollution and to study the manifestation of this feeling through the type of health effects felt as well as through the symptoms felt more generally in the previous month.

Methodology : A sample of 277 subjects, aged 18 years and over, living in the Rhône Département (France) was interviewed by an on-line questionnaire in 2014. The associations have been analyzed by a logistic regression model. The feeling of the effects of road-traffic noise and air pollution was assessed by a binary question (yes/no).

Results : Our study shows that health-related factors appear to play a role in the perceived health effects of road-traffic noise and air pollution. Those who experience hearing fatigue and tend to be depressed, feel more the effects of noise while those with sore throats and nervousness rather feel the effects of air pollution. In addition, air pollution annoyance seems to contribute also to such a feeling.

Conclusion : These results suggest an individual awareness. A collective awareness seems to be coming these last years but it should be necessary that each individual becomes aware of the impact of environmental nuisances on their own health. Our results could lead to a better prevention of individual behaviors and finally to an improvement of population health.

Keywords : feeling, symptoms, annoyance, road-traffic noise, air pollution

1. Introduction

Les nuisances générées par le trafic routier – majoritairement le bruit et la pollution de l’air -prennent une place de plus en plus prégnante dans les préoccupations des Européens et dans la mise en œuvre des politiques publiques (Moser and Robin 2006; Insee 2017).

Les effets sanitaires du bruit (gêne, trouble du sommeil, manque de concentration, stress, sur-risque de dépression, etc.) et de la pollution de l’air (asthme, nausées, irritation de la peau, cardiopathies ischémiques, infections aiguës des voies respiratoires inférieures, etc.) ont largement été étudiés aussi bien ensemble que séparément (Kampa and Castanas 2008; Hume, Brink et al. 2012; Babisch 2014; Dick, Friend et al. 2014; Chang, Chen et al. 2015; Chen, Wan et al. 2015; Oftedal, Krog et al. 2015; Pyko, Eriksson et al. 2015; Mahdjoub et al. 2018).

De plus, certaines études ont montré que la gêne et les symptômes exprimés au quotidien (fatigue, maux de tête, irritation oculaire, irritation nasale, nausée, manque de concentration, etc.) joueraient un rôle important dans la perception de la pollution de l’air et de son risque sanitaire (Elliott, Cole et al. 1999; Oglesby, Künzli et al. 2000). Stenlund et al (Stenlund, Lidén et al. 2009) viennent compléter ce constat en démontrant que la perception de la pollution de l’air et celle du risque sanitaire exercent une influence l’une sur l’autre d’une part. D’autre part, selon eux, les symptômes diagnostiqués chez un individu peuvent influencer la perception du risque sanitaire et la gêne qu’il ressent ou inversement.

Plusieurs études ont également soutenu la thèse d’une gêne liée à la pollution de l’air plus importante chez les personnes ayant des troubles respiratoires (Williams and McCrae 1995; Rotko, Oglesby et al. 2002; Jacquemin, Sunyer et al. 2007), une toux, du mucus, de l’asthme, et/ou une rhinite. De plus, une étude s’étant intéressée à la consommation de tabac a montré que les fumeurs n’étaient pas du tout gênés par la pollution de l’air (Jacquemin, Sunyer et al. 2007).D’après une enquête menée par l’INSEE en 1996 (Moreau and Pouvereau 2004), le bruit était perçu comme l’une des premières nuisances par les Français (40 %) loin devant la pollution de l’air (18 %), quelques années plus tard, les chiffres sont inchangés, le bruit restant toujours la première préoccupation des Français (Grange, Chatignoux et al. 2009). En revanche, presqu’une décennie après cette dernière étude citée, les chiffres finissent par s’inverser, la pollution de l’air prenant la première position pour 83% des Français (Roussel 2018). Cette tendance nous interpelle. Notre perception du risque est probablement influencée par les évènements actuels qui nous entourent quotidiennement. En effet, selon la théorie de Kahneman et Tversky (Kahneman and Tversky 1979), le souvenir d’un événement est influencé par la fréquence de cet événement ou par sa probabilité à se réaliser. Le bruit et la pollution de l’air peuvent ainsi être appréhendés différemment selon les variabilités individuelles (sensibilité, état de santé, niveau social, cadre de vie, logement, etc.) mais aussi collectives (réchauffement de la planète, prise de conscience, influence des médias, etc.).

En France, c’est en 1995, avec l’intégration du développement durable comme objectif de la loi Barnier que se sont manifestées les premières préoccupations environnementales qui ont déclenché une multitude de textes législatifs (Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie en 1996, etc.) et de réunions politiques relatives à l’environnement telles qu’en 2007 avec le Grenelle de l’Environnement, par exemple. Cela ne fait donc qu’une vingtaine d’années, qu’en France, l’environnement a été placé au centre des débats politiques. Même constat en Europe, avec l’organisation de la première COP – Conferences of the Parties – qui s’est tenue à Berlin en 1995 également. Cet éveil de la conscience politique a mené à une divulgation médiatique amenant à une prise de conscience citoyenne centrée essentiellement sur le bruit suivie plusieurs décennies plus tard par la pollution de l’air. Depuis, les politiques en vigueur, les réglementations juridiques, les programmes de lutte contre le bruit, la pollution de l’air ne font que se succéder. Néanmoins, même si les réglementations se multiplient en France, en Europe et dans le monde entier et que les urbanistes disposent actuellement de nombreux leviers pour promouvoir des mesures de lutte contre le bruit et la pollution de l’air, les résolutions ne s’inscrivent pas à l’heure actuelle dans une étude systémique de l’ensemble des déterminants incluant le bien-être physique, le bien-être mental et la qualité de vie (relativement à la définition de la santé qui inclut l’ensemble de ces critères) (OMS 1946).

Même si le lien de causalité reste difficile à définir, à notre connaissance, peu voire aucune étude ne s’est intéressée aux interrelations entre la gêne, la perception du risque sanitaire et les symptômes ressentis (maux de tête, troubles respiratoires, stress, anxiété, etc.) vis-à-vis du bruit et d’autant moins vis-à-vis du bruit et de la pollution de l’air ; alors que les impacts sanitaires de la coexposition au bruit et à la pollution de l’air suscitent un intérêt croissant dans le monde de la santé publique (Shepherd, Dirks et al. 2016; Piotrowski, Guillossou et al. 2018). Par ailleurs, bien qu’une conscience collective semble se dessiner ces dernières années engendrant une responsabilité collective, qu’en est-il de la conscience individuelle ?  Chaque individu a-t-il conscience que son propre organisme ou celui de son entourage est réellement impacté par ces nuisances environnementales ?

L’objectif principal de notre article est d’identifier les déterminants du ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air en analysant par modèle de régression logistique, les diverses associations entre la gêne liée au bruit et à la pollution de l’air, les symptômes ressentis en général au cours du dernier mois avant l’enquête, le cadre de vie, et le ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air sur sa propre santé ou celle de son entourage. Pour ce faire, une enquête a été menée dans le département du Rhône (69), sur un échantillon de 277 sujets auxquels un questionnaire a été soumis en ligne. Le questionnaire était composé de quatre volets portant sur les caractéristiques sociodémographiques, le cadre de vie et les caractéristiques du logement, l’état de santé, et les nuisances environnementales liées au trafic routier (bruit et pollution de l’air spécifiquement). Le ressenti est principalement interrogé au sein de notre enquête au travers d’une question binaire (« Avez-vous déjà ressenti les effets du bruit/de la pollution de l’air sur votre santé ou celle de votre entourage ? »).

Ces résultats pourraient permettre aux pouvoirs publics de poursuivre voire d’améliorer les campagnes d’information déjà existantes sur l’impact sanitaire lié à l’exposition au bruit et à la pollution de l’air afin de mieux prévenir les comportements individuels, et ainsi tendre, sur le long terme, vers une amélioration de la santé des populations.

2. Matériels et méthodes

2.1 Population d’étude

Notre population d’étude est celle du département du Rhône (69) qui compte environ 1.8 millions d’habitants (Insee 2012) avec une densité moyenne de 565 habitants par km2 (Insee 2019). Parmi cette population, près de 1.4 millions d’habitants vivent dans la métropole de Lyon, appelée le Grand Lyon, le reste de la population se répartissant entre quelques villes de moyennes dimensions et le secteur rural.

Les sujets sont des adultes âgés de 18 ans et plus au moment de l’enquête en 2014, et résidant dans le département du Rhône. La population d’étude de cette présente enquête est issue d’une précédente étude rétrospective menée en 2013 sur le thème des nuisances générées par le trafic routier (Mahdjoub et al. 2018) pour laquelle la population d’étude avait été sélectionnée par tirage aléatoire au sein de la population générale, sur la base d’un annuaire universel du département du Rhône, avec comme objectif d’être représentatif de la répartition du département en termes d’âge, de sexe, et de zone géographique (Grand Lyon/Hors Grand Lyon).

A la fin du questionnaire soumis aux sujets lors de la première enquête, il a été demandé à chaque participant leur volonté de participer ou non à une enquête complémentaire. Pour ce faire, lorsqu’un sujet faisait part de sa volonté de participer à la seconde enquête, son adresse mail était alors enregistrée par l’institut de sondage. Sur les 720 sujets interrogés lors de la première enquête (en 2013), seuls 369 sujets ont accepté de poursuivre avec cette deuxième enquête. En définitive, 277 sujets ont participé. Un taux de réponses de 75% a donc été obtenu. La deuxième enquête ayant été réalisée un an après la première, nous avons eu un certain nombre de perdus de vue. De plus, les regroupements des modalités prendront en compte le manque de puissance généré par la petite taille de l’échantillon.

2.2 Analyse de la représentativité

Les répondants se caractérisent par une majorité d’hommes (55.2%), d’individus vivant dans le Grand Lyon (79.3%), ayant un diplôme supérieur au baccalauréat (68.6%) et qui ont une activité professionnelle (71.8%). La distribution de la population de répondants diffère de celle de la population générale du Rhône selon l’âge et le genre avec une sous-représentation des femmes, et des 18-24 ans (cf. Tableau 1). Par ailleurs, le pourcentage des personnes habitant en HLM est moins élevé que dans la population du Rhône (10.1% vs 19.8%) (Insee 2012), alors que notre échantillon comprend plus de personnes propriétaires de leur logement (55.2% vs 48.6%). L’âge et le genre seront introduits dans les modèles multivariés comme facteurs d’ajustement

2.3 Recueil de données

Le recueil de données a été fait sur la base d’un questionnaire soumis à l’ensemble des sujets en ligne (via l’utilisation du logiciel LimeSurvey) ; le temps de réponse estimé était d’une dizaine de minutes. Afin d’obtenir le plus haut taux de réponses, deux relances ont été effectuées par mail. Afin d’évaluer toutes les questions relatives à notre problématique, nous nous sommes inspirés pour construire le questionnaire, d’un indice. Il s’agit du score de Perception de la Qualité de l’Air (PQA), élaboré par une équipe de recherche dans le cadre du Programme de Recherche Inter organisme pour une Meilleure Qualité de l’Air (PRIMEQUAL) sur la Perception de l’Exposition à la Pollution Atmosphérique (PEPA) (Annesi-Maesano, Baiz et al. 2010). Ce score repose sur une échelle de mesure de perception de la qualité de l’air évaluée en 32 questions chacune débutant par « cette dernière semaine, avez-vous … » et portant sur les nuisances ressenties et attribuées à la pollution atmosphérique, ainsi que sur la perception du risque.

2.4. Variables d’étude

2.4.1. Variable d’intérêt

Le ressenti des effets sanitaires du bruit et de la pollution de l’air a été mesuré via la question binaire suivante : « Avez-vous déjà ressenti (ou ressentez-vous encore) les effets du bruit sur votre santé ou celle de votre entourage ?». La même question a été posée pour la pollution de l’air.La variable dépendante yi* prend donc deux modalités {0, 1} : 0 si absence d’effets ressentis, 1 si des effets ont été ressentis.

2.4.2. Variables explicatives

Les variables explicatives relatives à chacun des volets du questionnaire (cités en introduction) sont les suivantes :

• Les caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques ont été évaluées au travers de la zone de résidence, l’âge, le genre, lestatut civil, le nombre d’enfants, la taille du ménage, la pratique d’une activité sportive, la couverture santé, le tabagisme, le niveau d’éducation, le type d’activité, la catégorie socio-professionnelle, le type de logement, le nombre de pièces du logement, le statut vis-à-vis de son logement, le fait d’avoir une propriété secondaire, le nombre de voitures possédées par le ménage, la possession d’un abonnement mensuel ou annuel pour les déplacements en transports en commun, le montant mensuel des coûts de déplacements, et le revenu net mensuel.

• Le cadre de vie et les caractéristiques relatives au logement ont été évalués au travers du type de circulation aux alentours du logement, du niveau de satisfaction du cadre de vie et du logement (échelle en 4 points), des raisons pour lesquelles l’enquêté est venu habiter dans son quartier de résidence, des raisons d’insatisfaction du cadre de vie, des inconvénients du logement (pour ces trois items, il avait été demandé de cliquer sur l’élément (la modalité) qui semblait le plus important pour le sujet interrogé).

• L’état de santé, le risque sanitaire perçu et le type d’effets sanitaires ressentis ont été évalués à travers deux séries de questions qui ont été séparées par plusieurs autres rubriques afin que les premières déclarations ne viennent pas suggérer les réponses aux questions sur la perception du risque sanitaire environnemental et inversement. En effet, les répondants ne pouvaient pas revenir en arrière une fois qu’une rubrique était complétée.

  • La première série de questions concerne : l’état de santé perçu et le type de symptômes dont souffre ou a souffert l’enquêté, au cours du dernier mois précédant l’interview,
  • La deuxième série de questions concerne les avis des sujets concernant l’impact sanitaire que représente pour eux les nuisances environnementales : la perception d’un risque sanitaire liée à chacune des nuisances (échelle en 4 points) et le type d’effets sanitaires ressentis vis-à-vis du bruit et de la pollution de l’air.

• Les données sur les nuisances liées au trafic routier ont été évaluées en interrogeant sur l’intérêt porté sur les questions environnementales (échelle en 4 points), la qualité de l’air perçue (échelle en 3 points), et la gêne liée au bruit et à la pollution de l’air (échelle en 4 points).

2.5. Plan d’analyses

La population d’étude a été comparée à la population générale du Département du Rhône par un test du χ² de Pearson afin de s’assurer de la représentativité de l’échantillon. Une analyse descriptive a porté sur les données sociodémographiques, socioéconomiques, l’état de santé et le risque sanitaire perçu.

Puis, une analyse uni-variée a été réalisée afin de tester l’association entre les variables explicatives et chacune des variables d’intérêt via le test du χ² de Pearson (ou le test exact de Fisher selon la distribution de la variable, notamment si l’échantillon était inférieur à 5). Les corrélations entre les variables ont également été testées via le coefficient, rho de Spearman afin de mesurer l’association entre deux variables, avec un seuil fixé à 5%. Lorsque deux variables étaient fortement corrélées, seule l’une d’entre elles a été introduite dans le modèle. Par ailleurs, des comparaisons de moyennes ont été effectuées via le test de Wilcoxon. Les variables explicatives associées à la variable d’intérêt à un seuil de 20% en univariée, ont été introduites dans un modèle multivarié par régression logistique avec sélection descendante (p≤0.05). Les Odds Ratio accompagnés de leur intervalle de confiance à 95% (IC 95%) ont été estimés pour chaque facteur identifié lors des analyses multivariées. 

Par ailleurs, dans chaque modèle étudié, afin de vérifier l’indépendance entre deux variables explicatives, les effets d’interaction ont été recherchés, ainsi que les potentiels facteurs de confusion.

Le Système d’Analyses Statistiques version 9.3 pour Windows (SAS Institute Inc., Cary, NC, USA) a été utilisé pour l’ensemble des analyses. Les tableaux de données et les graphiques ont été réalisés sous le logiciel de traitement de données Microsoft Excel 2010.

2.6. Approbation éthique

Le Comité Consultatif sur le Traitement de l’Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé (CCTIRS) ainsi que de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) ont donné leur approbation quant à la mise en œuvre de cette enquête. De plus, nous nous sommes directement assurés du consentement de chacun des sujets au moment de la passation du questionnaire par l’envoi d’un premier mail d’information et de consentement.

3. Résultats

3.1. Description de la population d’étude

Plus de la moitié des participants sont en couple (68%), n’ont pas d’enfants (64%) et moins d’un tiers vit dans un foyer composé d’un seul membre (22%).

Les actifs sont les plus nombreux (72%). Parmi eux, la plupart occupent un poste de cadre ou de professions intellectuelles supérieures (34%), ont une profession qualifiée d’intermédiaire (24%), ou sont employés (22%). Seul un tiers de la population a une qualification inférieure ou égale au Baccalauréat.

Chaque niveau social défini par le revenu est représenté par un tiers de la population (30% appartient à la classe dite « populaire », 34% à la classe moyenne et 30% à la classe dite « aisée »). Les individus appartenant à la classe populaire sont en grande majorité locataires de leur logement ou pris en charge (73% d’entre eux), tandis que ceux appartenant à la classe aisée sont en grande majorité propriétaires de leur bien (75%). Comparées à la population générale (Insee 2012), les proportions de cadres et de personnes propriétaires sont significativement plus élevées au sein de notre échantillon.  

Plus de la moitié des participants vivent dans des logements de plus de 5 pièces (66%), et 42% résident dans leur logement depuis 10 ans voire plus. La grande majorité est plutôt satisfaite voire très satisfaite de son logement (plus de 90%), ainsi que de son cadre de vie (plus de 90%). Malgré ces taux élevés de satisfaction, certains trouvent des inconvénients à leur logement et leur cadre de vie : l’exposition aux nuisances est l’élément qui ressort majoritairement, à hauteur de 33 % pour le logement, et de 53% pour le cadre de vie. Il est intéressant de noter que 17% déclarent l’insécurité physique ou environnementale comme raison d’insatisfaction au sein de leur cadre de vie.

3.2. La gêne, la perception du risque sanitaire, les symptômes et le type d’effets ressentis (Analyses descriptives)

3.2.1. La gêne liée à la pollution de l’air, au bruit

La grande majorité des sujets se sentent « plutôt » voire « très » concernés par les questions d’ordre environnemental (87%). Concernant la qualité de l’air respirée, 39% estiment qu’elle n’est pas de bonne qualité.

La plupart de ceux qui sont gênés par la pollution de l’air (42%) ou le bruit (42%), le sont en grande majorité durant leurs déplacements et ce, de manière épisodique.

3.2.2. La perception du risque sanitaire

Plus de la moitié (61%) des répondants identifient la pollution de l’air comme représentant un risque sanitaire important. Tandis que moins d’un tiers (25%) identifie le bruit comme représentant un risque sanitaire important.

3.2.3. Les symptômes ressentis au cours du dernier mois précédant l’enquête de manière générale 

La grande majorité de notre échantillon estime avoir un état de santé plutôt bon (70%). La plupart des participants ne fument pas du tout (75%) et sont sportifs (62%).

Une part importante de notre population (87%) a ressenti au moins l’un des symptômes suivants au cours du dernier mois précédant l’interview : maux de gorge (28%), troubles respiratoires (33%), irritation cutanée (13%), dépression (15%), picotement des yeux (15%), maux de tête (33%), nervosité (20%), allergie (16%), palpitation (3%), fatigue auditive (5%), problème cardiaque (2%), insomnie (30%), manque de concentration (10%), hypertension (37%), stress (21%), fatigue générale (6%).

3.2.4. Le type d’effets ressentis et attribués au bruit ou à la pollution de l’air

La plupart des individus interrogés (cf. Tableau 2) disent avoir eux-mêmes déjà ressenti les effets de la pollution de l’air (65%) et du bruit (52%). Les troubles respiratoires sont majoritairement identifiés comme liés à la pollution de l’air (49%). L’anxiété et le stress sont principalement identifiés comme liés au bruit (69%).

3.3. Analyses approfondies

3.3.1. Association entre la perception du risque sanitaire et le ressenti  

Ceux qui ressentent des effets sur leur santé ou celle de leur entourage sont-ils ceux qui perçoivent le plus le risque sanitaire ?

D’après nos analyses (cf. Tableau 3), ceux qui perçoivent le risque sanitaire que présente le bruit routier semblent les plus susceptibles d’avoir déjà ressenti les effets du bruit sur leur santé ou celle de leur entourage. Il en va de même pour la pollution de l’air, mais l’association est moins forte.

3.3.2. Association entre la gêne et le ressenti

Ceux qui ressentent les effets sur leur santé ou celle de leur entourage sont-ils les plus gênés ?

La gêne liée au bruit et la gêne liée à la pollution de l’air sont significativement associées au fait d’avoir déjà ressenti les effets sanitaires liés au bruit (cf. Tableau 4). En revanche, seule la gêne liée à la pollution de l’air est significativement associée au fait d’avoir déjà ressenti des effets sanitaires liés à la pollution de l’air.

3.3.3. Quels sont les autres déterminants du ressenti des effets sanitaires ? (Analyses en univariée)

Le bruit

Les femmes, ceux qui fument, qui n’ont pas de propriété secondaire, qui estiment avoir un mauvais état de santé, qui ont un niveau d’éducation inférieur ou égal au Baccalauréat ont une plus forte propension à ressentir les effets du bruit. 

De plus, les individus très concernés par les problématiques environnementales, de même que ceux qui estiment que leur logement est exposé à une circulation bruyante voire très bruyante, qui ne sont pas du tout ou peu satisfaits de leur cadre de vie ainsi que de leur logement sont plus propices à ressentir les effets du bruit.

Enfin, des facteurs liés à la santé sont associés avec le ressenti des effets du bruit : ceux qui ont souffert le mois précédant l’interview : d’insomnies, d’une fatigue auditive, de dépression, de nervosité, déclarent ressentir les effets du bruit sur leur santé.

La pollution de l’air

Parmi les caractéristiques sociodémographiques, le fait de vivre dans la ville de Lyon engendre une plus forte propension à ressentir les effets de la pollution de l’air.

Plusieurs facteurs liés à l’environnement et au cadre de vie, sont également associés à un tel ressenti : le fait d’être concerné par les questions environnementales, d’être insatisfait par son cadre de vie car exposé à des nuisances environnementales, de vivre dans un logement exposé à une circulation bruyante voire très bruyante ou encore de trouver la qualité de l’air mauvaise au sein de son cadre de vie apparaissent comme déterminants du ressenti des effets de la pollution de l’air.

De plus, le fait d’estimer avoir un état de santé plutôt mauvais, ou d’avoir souffert au cours du mois précédant l’interview : d’hypertension, de maux de tête, de picotements au niveau des yeux, de troubles respiratoires, de maux de gorge, de maux de dos, d’allergie, de nervosité, ou encore d’un manque de concentration sont autant de facteurs associés au fait d’avoir déjà ressenti les effets de la pollution de l’air.

Bilan de ces premiers résultats

Ces analyses nous permettent de dégager plusieurs tendances. Nous proposons de synthétiser les facteurs déterminant communément le ressenti des effets sanitaires du bruit et de la pollution de l’air dans le schéma ci-dessous (cf. Fig.1).

3.3.4 Déterminants du ressenti des effets attribués au bruit et à la pollution de l’air sur sa propre santé ou celle de son entourage (Analyses multivariées)

Le bruit

Les personnes qui fument (cf. Tableau 5), celles qui ont souffert de dépression ou d’une fatigue auditive au cours du mois précédant l’interview sont les plus susceptibles de ressentir les effets du bruit sur leur santé ou celle de leur entourage.

De plus, plus la gêne liée à la pollution de l’air est forte, plus les personnes ressentent les effets du bruit sur leur santé ou celle de leur entourage.

La pollution de l’air

Il en est de même en ce qui concerne la pollution de l’air. Plus elles sont gênées, plus les personnes ressentent les effets de la pollution. De plus, ceux qui habitent dans la ville de Lyon, dont le logement est exposé à une circulation bruyante voire très bruyante ont une plus forte propension à ressentir les effets de la pollution sur leur santé ou celle de leur entourage, c’est également le cas des fumeurs et des personnes qui souffrent de nervosité. Parmi les troubles de santé évoqués, seuls les maux de gorge sont associés au fait d’avoir déjà ressenti les effets de la pollution de l’air.

4. Discussion

4.1. Synthèse des résultats

La présente étude avait pour objectif d’identifier les déterminants des effets du bruit et de la pollution de l’air.  

Qu’il s’agisse du bruit comme de la pollution de l’air des facteurs liés à la santé semblent jouer un rôle. Ceux qui ressentent une fatigue auditive et qui ont tendance à déprimer, ressentent plus les effets du bruit tandis que ceux qui ont des maux de gorge et qui souffrent de nervosité ressentent plutôt les effets de la pollution de l’air. De plus, le fait d’être fortement gêné par la pollution de l’air ou de fumer participent également au ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air sur sa propre santé ou celle de son entourage. Ces résultats sont synthétisés dans le schéma ci-dessous (cf. Fig.2).  

4.2. Interprétation des résultats au vu de la littérature

Des symptômes comme déterminants du ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air sur sa propre santé ou celle de son entourage ?

Les personnes ayant une tendance à la dépression étant celles qui ressentent le plus les effets du bruit sur leur santé, notre étude va dans le même sens que d’autres études menées sur le sujet (Orsban, MacDonald et al. 2016; Seidler, Hegewald et al. 2017). Une corrélation positive entre la nervosité et la dépression a été mise en évidence dans nos analyses. Ainsi, si nous partons du postulat que plus une personne est déprimée, plus elle est nerveuse, il se pourrait donc qu’elle soit d’autant plus sensible au bruit et ressente par conséquent, davantage les effets du bruit sur sa propre santé. Cette théorie pourrait également s’appliquer à la pollution de l’air, étant donné que les personnes nerveuses apparaissent, dans notre étude, comme celles ressentant le plus les effets de la pollution de l’air. Par ailleurs, Alimohammadi et al (Alimohammadi, Nassiri et al. 2010), se sont intéressés aux troubles de l’audition en tant que facteurs explicatifs de la gêne liée au bruit dans la ville de Téhéran. Ils ont mis en évidence que les individus qui souffraient de problèmes d’audition avaient un risque plus élevé d’être gênés comparés à ceux qui en avaient souffert dans le passé mais qui en étaient guéris depuis. Dans notre étude, ceux qui souffrent de fatigue auditive ressentent le plus les effets du bruit. Il se pourrait qu’il s’agisse de nouveau d’une sensibilité plus accrue déclenchée par des symptômes qui « fragilisent » la santé des individus concernés. Cependant, il nous est impossible de le confirmer d’autant que la causalité ne peut être avérée. De même, plusieurs études ont soutenu la thèse d’une gêne liée à la pollution de l’air plus importante chez les personnes ayant des troubles respiratoires(Williams and McCrae 1995; Rotko, Oglesby et al. 2002; Jacquemin, Sunyer et al. 2007). Or notre étude met en avant un ressenti des effets chez les personnes souffrant de maux de gorge (les autres pathologies respiratoires ne ressortant ni dans les analyses multivariées, ni en étant corrélées aux maux de gorge). Bien que les troubles et symptômes respiratoires soient différents d’un mal de gorge, il s’agit là d’un symptôme vécu et ressenti dans la sphère oto-rhino-laryngologique. Le résultat de nos analyses nous pousse à supposer qu’une prise de conscience individuelle est en train d’être opérée.

La consommation de tabac comme déterminant du ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air sur sa propre santé ou celle de son entourage ?

Nos résultats vont dans le sens contraire d’une étude menée en 2004 (Jacquemin, Sunyer et al. 2007). Une évolution des mentalités dans le temps, et une prise de conscience du risque sanitaire pourraient expliquer ces résultats. Il ne s’agit là que d’une supposition que nous ne pouvons vérifier. Néanmoins, d’un point de vue sociétal, en France, ces dernières années, le nombre de vente de cigarettes de tabac a diminué contre une augmentation du nombre de recours aux traitements pour arrêter de fumer le tabac (OFDT 2014). Le département du Rhône, en 2014 (date à laquelle cette étude a été menée), comptait 26.5% de fumeurs quotidiens au sein de sa population sachant que notre population compte 25% de fumeurs ce qui semble représentatif de la population du Rhône. Il est fort probable que la réglementation des mesures de lutte contre le tabagisme dans les lieux publics accompagnée d’une augmentation des mesures de lutte contre la pollution de l’air ait provoqué une prise de conscience du risque sanitaire, ayant peut-être engendré un éveil quant au ressenti des effets de la pollution de l’air.

Le cadre de vie comme déterminant du ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air sur sa propre santé ou celle de son entourage ?

Selon certains auteurs (Marcon, Nguyen et al. 2015), la perception du risque sanitaire peut influencer la sensibilité des individus. La perception du risque est définie comme l’évaluation de la probabilité de survenue d’un évènement négatif. Cette perception dépend de l’idée que les individus se font du risque lui-même (Nordfjærn and Rundmo 2010; Şimşekoğlu, Nordfjærn et al. 2013; Nordfjærn, Şimşekoğlu et al. 2014). Par exemple, plus les concentrations de particules au sein du cadre de vie sont fortes, plus la qualité de l’air est perçue comme mauvaise (Rotko, Oglesby et al., 2002). La perception du risque est ainsi relative à la perception sensorielle. Outre un traitement d’informations, elle implique un jugement (Slovic 1987). Ainsi le développement d’une conscience environnementale éveillée par l’intérêt porté à son cadre de vie (Williams and McCrae 1995; Stansfeld, Haines et al. 2000), pourrait mener à une perception du risque sanitaire, et par là même à une sensibilité accrue, qui se manifesterait par un ressenti de symptômes ; ce qui pourrait expliquer l’association mise en évidence dans notre étude, entre le cadre de vie et le ressenti des effets sanitaires liés au bruit et à la pollution de l’air.

La gêne comme déterminant du ressenti des effets du bruit et de la pollution de l’air sur sa propre santé ou celle de son entourage ?

Les études précédemment citées mettent en évidence une association significative entre les troubles respiratoires et la gêne liée à la pollution de l’air. Or cette dernière ressort comme déterminant du ressenti des effets sanitaires liés au bruit et à la pollution de l’air dans nos analyses. Raison pour laquelle nous avons cherché à vérifier si la gêne n’intervenait pas en tant que facteur de confusion ou d’interaction, dans la relation entre le ressenti des effets et la perception du risque sanitaire, ainsi qu’entre ces symptômes et le ressenti. A priori, aucune interaction ni aucune confusion n’a été détectée. C’est pourquoi nous avons choisi d’intégrer la gêne comme facteur potentiellement déterminant du ressenti des effets sanitaires liés au bruit et à la pollution de l’air. Le ressenti des effets sur la santé du bruit et de la pollution de l’air dépendent essentiellement de la gêne ressentie vis-à-vis de la pollution de l’air. Notre étude a été menée en 2013, soit quelques mois après la Conférence de Doha sur les changements climatiques, évènement fortement médiatisé. La pollution de l’air est souvent prise pour cible lorsque les changements climatiques sont abordés. Cela pourrait expliquer pourquoi la gêne liée à la pollution de l’air ressort comme davantage associée au ressenti des effets sanitaires du bruit et de la pollution de l’air. Par ailleurs, ces comportements ou réactions d’ordre cognitif rejoignent ceux de l’effet nocebo (Benedetti, Amanzio et al. 1997; Schedlowski, Enck et al. 2015). Contrairement à l’effet placebo, l’effet nocebo peut causer par la crainte ou la croyance en le fait qu’un médicament soit nuisible, des effets secondaires. Nous pouvons émettre l’idée que le parallèle peut être fait avec les facteurs environnementaux. Le fait de savoir que le bruit ou la pollution de l’air sont des facteurs nuisibles pourrait entraîner une gêne, voire plus largement le ressenti des effets de ces nuisances sur eux-mêmes. Des interrelations entre les symptômes, la gêne, la perception et le ressenti semblent se dessiner, et laissent supposer que ces divers facteurs s’influenceraient mutuellement. La direction causale peut être discutée mais semble vraiment compliquée et difficile à établir.

4.3. Forces et limites

La force majeure de cette étude repose sur l’originalité de notre problématique. A notre connaissance, rares sont les études portant sur le ressenti des effets liés au bruit et à la pollution de l’air. Nous nous sommes donné l’opportunité d’évaluer la relation entre ce ressenti et différents facteurs.   

Néanmoins, cette étude comporte tout de même, certaines limites. Tout d’abord, nous avons parfois opté pour un regroupement de modalités comme pour le niveau d’étude et la catégorie socioprofessionnelle, par exemple. Ces choix ont peut-être impacté nos résultats ; choix qui peut d’ailleurs être remis en question. De plus, la taille de notre échantillon nous a beaucoup influencés dans le choix du regroupement des modalités (manque de puissance).

D’autre part, se pose la question de la généralisation des résultats et de leur représentativité : notre population d’étude est différente de la population générale. Les résultats doivent être interprétés avec précaution mais cela ne devrait pas affecter les résultats concernant les facteurs de risque sauf s’il existe un biais de sélection spécifique. D’ailleurs comparé à la population de non répondants, les hommes et les personnes vivant dans le Grand Lyon ont été les plus nombreux à répondre. De nouveau, se pose la question : est-ce parce qu’ils se sentent plus concernés par cette problématique ? Ou est-ce parce que cette population a un accès plus facile à internet ? Ou bien est-ce le signe d’un biais de sélection ? Nous avons tenté de pallier à ce biais potentiel en veillant à ajuster nos résultats sur le genre et l’âge.

Nous pouvons également discuter du mode de soumission du questionnaire. L’enquête en ligne présente de nombreux avantages : c’est le moyen le moins coûteux de réaliser une enquête quantitative. Grâce au logiciel utilisé, il est possible de surveiller la qualité des données, en observant notamment le temps mis pour répondre aux questionnaires ou encore le taux d’abandon du questionnaire. Ce mode permet également d’inciter pour ne pas dire d’obliger les enquêtés à répondre aux questions via l’introduction de questions dites obligatoires, qui empêchent de passer à la question suivante si le répondant n’a pas répondu à celle-ci. Cet avantage présente tout de même également un inconvénient, car il interpelle sur la fiabilité des réponses données. Est-ce que l’interrogé a répondu sincèrement, est-ce qu’il n’a aucune idée de la réponse mais s’est tout de même forcé à y répondre choisissant une réponse au hasard ou encore est-ce qu’il a abandonné par pur désintérêt pour le sujet ? Il s’agit là d’un paramètre difficile à contrôler. Si les personnes ayant principalement répondu au questionnaire sont celles qui sont le plus intéressées par le sujet, cela expliquerait que 86.3% des sujets de notre échantillon soient intéressés par les questions environnementales.

En dépit de ces limites, nos résultats contribuent à une meilleure compréhension dans la relation entre le ressenti de effets sanitaires et les différents facteurs étudiés.

Conclusion

Cette étude menée dans le département du Rhône montre que les facteurs liés à la santé jouent un rôle déterminant dans le ressenti des effets liés au bruit et à la pollution de l’air. Les individus qui ressentent une fatigue auditive et qui ont tendance à déprimer, ressentent plus les effets du bruit tandis que ceux qui souffrent de maux de gorge et de nervosité ressentent plutôt les effets de la pollution de l’air. De plus, le fait d’être fortement gêné par la pollution de l’air participe également au ressenti des effets de la pollution et du bruit sur sa propre santé ou celle de son entourage. Ces résultats sont intéressants. Ils laissent supposer une prise de conscience individuelle. Certes, une conscience collective semble avoir vu le jour ces dernières années mais il paraît nécessaire voire indispensable que chaque individu ait conscience de l’impact que ces nuisances peuvent avoir directement sur leur propre santé. Nos résultats pourraient conduire à une meilleure prévention des comportements individuels et ainsi tendre, sur le long terme, vers une amélioration de la santé des populations.

Remerciements

Nous remercions l’ARC7 (Academic Research Communities) pour leur soutien financier.

Contributions des auteurs

MMH et SM ont participé à la réalisation de cette enquête. SM a procédé aux analyses et rédigé cet article. Tous les auteurs ont contribué au développement de ces analyses en apportant leur avis et corrections.

Conflit d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt. Les financeurs n’ont joué aucun rôle dans la mise en place de l’enquête, la collecte des données, l’analyse et l’interprétation des données ni dans la rédaction de cet article.  

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