Bénéfices sanitaires attendus d’une zone à faibles émissions métropolitaine : évaluation quantitative d’impact sanitaire de trois scénarios – Focus santé en Île-de-France

by in Revue 10 février 2020

Proposé par Sabine Host, membre de l’APPA et chargée d’études à l’ORS Île-de-France.

L’exposition aux polluants de l’air, et en particulier à ceux émis par le trafic routier, est responsable de la survenue et aggravation d’un large éventail de pathologies, pouvant conduire in fine au décès. Après plus de 20 ans de planification en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, malgré une baisse continue des concentrations de polluants, cette problématique reste un enjeu important de santé publique au sein de la Métropole du Grand Paris.

Afin de lutter contre les émissions du trafic routier, contributeur majeur à la pollution locale, la Métropole du Grand Paris a coordonné la mise en place sur son territoire, depuis le 1er juillet 2019, d’une zone à faibles émissions (ZFE) s’appuyant sur les certificats qualité de l’air ou vignettes Crit’Air. Plus de 230 agglomérations dans treize pays européens, ont instauré de telles zones. Cette mesure permet un renouvellement accéléré des véhicules les plus anciens et les plus émetteurs de polluants en restreignant leur accès aux centres urbains. De tels dispositifs sont en cours de déploiement en France dans les principales agglomérations.

Afin d’accompagner le dimensionnement de ces dispositifs, l’ORS Île-de-France, en partenariat avec Airparif et Santé publique France, a développé une méthode de quantification des bénéfices sanitaires attendus de la mise en œuvre d’une telle zone à Paris et sur un périmètre élargi à l’A86[1]. Une première évaluation a montré que la mise en œuvre d’une ZFE produirait des bénéfices sanitaires en matière de décès et pathologies chroniques et a souligné la pertinence d’adopter un périmètre élargi. En effet, par rapport à une ZFE uniquement parisienne, une ZFE élargie permettrait d’amplifier les gains sanitaires. Ces derniers bénéficieraient à une plus large population ce qui, de plus, favoriserait une plus grande équité sociale.

Ce travail a donné lieu à l’élaboration d’un guide pratique[2] pour la réalisation de telles évaluations. Cette méthode peut donc être généralisée et appliquée à d’autres scénarios. L’ORS Île-de-France a ainsi accompagné la Métropole du Grand Paris lors de la phase de dimensionnement de la première étape de mise en œuvre de la mesure sur son territoire. Ce Focus santé présente les bénéfices sanitaires attendus de trois hypothèses d’entrée en vigueur (trois niveaux de restriction). Il reprécise également la méthode ainsi que les données utilisées.

Cette évaluation prospective montre que la mise en œuvre de la ZFE produirait des bénéfices sanitaires en matière de décès, de pathologies chroniques (asthme, maladie cardiaque, naissance de faible poids) et d’exacerbation de ces pathologies (hospitalisations et recours aux urgences) avec des bénéfices plus marqués chez les enfants. Plus le nombre de véhicules concernés par la mesure est important plus le bénéfice est large, entre 0,3 % et 4 % de baisse des nouveaux cas d’asthme chez les enfants selon le scénario. Ces résultats n’illustrent qu’une partie des bénéfices attendus. L’exposition aux polluants de l’air est responsable de la survenue ou aggravation d’un large éventail de pathologies dont seules quelques-unes ont été prises en compte. Il s’agit donc d’une estimation basse des bénéfices sanitaires attendus, d’autant plus que les bénéfices, estimés uniquement pour la première année, seraient susceptibles de se prolonger et de se cumuler sur les quelques années suivantes.

Toutefois, ces résultats permettent d’objectiver l’impact attendu de la mise en œuvre du dispositif en matière de protection de la santé des populations et visent à mieux informer les décideurs et les populations concernées. Les enjeux sanitaires relatifs aux indicateurs considérés sont particulièrement importants. En effet, l’asthme et les pathologies cardiovasculaires (dont les cardiopathies ischémiques aigües étudiées ici) sont des maladies chroniques parmi les plus répandues. Pour l’asthme chez les enfants, la prévalence est, de plus, en augmentation. Les naissances de faible poids, reflètent quant à elles, un enjeu sanitaire lié à une population particulièrement vulnérable ayant des répercussions importantes sur la santé à l’âge adulte.

Les pourcentages de réduction estimés dans cette étude montrent que la mise en œuvre de ce dispositif, selon le scénario considéré, peut représenter un levier d’action pour la prévention des pathologies considérées. Ces résultats montrent également que les populations résidant au-delà du périmètre de la ZFE bénéficieraient aussi d’une amélioration de leur santé. Les restrictions de circulation ne s’appliquent pas seulement aux populations résidant à l’intérieur de la ZFE mais aussi aux populations résidant en dehors et devant se rendre quotidiennement dans le cœur de l’agglomération, ainsi ce résultat est important à souligner. Comme attendu, du fait de baisses de concentration plus élevées, ces bénéfices sont plus prononcés pour les populations résidant à l’intérieur du périmètre de la zone à faibles émissions.

Les pourcentages de baisse du nombre de cas de pathologie pourraient aller jusqu’à 2,2 % pour les maladies cardiaques chez les 40-74 ans, 4 % pour l’asthme chez les enfants et 6,4 % pour les naissances de faible poids. Par ailleurs, l’analyse de la distribution des bénéfices sanitaires en fonction du niveau de défaveur sociale des populations montre une répartition plutôt équilibrée des bénéfices. Cette évaluation souligne aussi que ce dispositif ne peut constituer à lui seul une solution à l’enjeu de santé publique. La reconquête de la qualité de l’air doit s’inscrire dans le cadre de plans d’actions plus larges en matière de mobilités, mais aussi touchant d’autres secteurs (résidentiel/tertiaire, agricole, industriel…).

Juillet 2019 a acté le lancement d’une ZFE métropolitaine. La Métropole du Grand Paris a opté pour une mise en œuvre progressive dont le scénario le moins restrictif, étudié ici, constitue la première étape. Ce travail devrait se poursuivre avec l’évaluation des bénéfices sanitaires des prochaines étapes de la ZFE métropolitaine.


[1] Host, S., A. Saunal, C. Honoré, F. Joly, et al. Bénéfices sanitaires attendus d’une zone à faibles émissions : évaluation quantitative d’impact sanitaire prospective pour l’agglomération parisienne. Paris, Observatoire régional de santé Île-de-France: 106. 2018 (en ligne : www.ors-idf.org/nos-travaux/publications/benefices-sanitaires-attendus-dune-zone-a-faible-emissions.html)

[2] Blanchard M, Host S, Medina S. Guide pour la réalisation d’une évaluation quantitative des impacts sur la santé (EQIS). EQIS d’une intervention. Santé publique France, 2019 : 96 p. (en ligne : https://www.santepubliquefrance.fr/docs/pollution-atmospherique.-guide-pour-la-realisation-d-une-evaluation-quantitative-des-impacts-sur-la-sante-eqis-.-eqis-d-une-intervention)