Bilan 2019 de l’action climat non-étatique, par l’Observatoire Climate Chance

by in Revue 22 janvier 2020

Proposé par Isabelle Roussel et Lionel Charles, membres de l’APPA.

Si le changement climatique a été mis en évidence par les scientifiques dès les années 1970 (rapport Charney, 1979), les actions pour limiter le réchauffement annoncé ou pour s’y adapter relèvent de décisions très longues et difficiles à mettre en œuvre compte tenu de l’ampleur des transformations technologiques, économiques, sociétales et politiques nécessaires. Le développement introduit par la modernité a fondamentalement reposé sur l’utilisation des énergies carbonées (charbon, pétrole, gaz), alors qu’il s’agit aujourd’hui de répondre à un objectif « zéro carbone net » fixé à 2050. Et ce bien que, depuis 1988, date de la création du GIEC, les mises en garde effectuées par les experts soient passées de la prévision au constat : incendies, canicules, cyclones, inondations, fonte des glaces, disparition du permafrost n’ont cessé de se multiplier et de prendre de l’ampleur partout dans le monde.

Devant ces retards, les appels à l’action se sont également multipliés ces dernières années, en particulier de la part des jeunes qui seront massivement confrontés aux catastrophes annoncées. Les réponses apportées par les Etats, regroupés dans les instances onusiennes, ne sont pas à la hauteur des enjeux, inégales, non dépourvues d’effets pervers et loin de maîtriser la croissance de la consommation mondiale : la consommation d’énergie finale dans le monde en 2017 était de 40% supérieure à celle de l’an 2000 et les énergies fossiles représentaient encore 81% de cette consommation.

Le premier cadre institutionnel développé autour de cette problématique a été le cadre onusien, avec la création de l’UNFCCC[1] et le jeu des conférences internationales (COP), qui ont permis, entre autres, la signature de l’accord de Paris. Pour important qu’il soit, le rôle des Nations Unies n’en est par moins limité car la mise en œuvre des décisions finales est effectuée de manière non-coercitive, non-intrusive, non-punitive, en respectant la souveraineté des Etats, en dépit d’objectifs planétaires partagés. On est progressivement passé de la notion d’un cadre commun contraignant (protocole de Kyoto) à celle d’engagements volontaires, actée par l’accord de Paris, suite à l’échec de la COP de Copenhague, en 2009. Parallèlement à l’action des Etats, celle-ci a aussi mis en avant le rôle des acteurs non étatiques, en particulier des villes et des régions. La recherche d’un accord entre les États, s’il reste nécessaire, n’est plus un préliminaire pour les actions entreprises par l’ensemble des composantes de la société planétaire qui s’est organisée en réseaux et en coalitions (ICLEI, C40). L’entrée en scène croissante de nombreux acteurs non étatiques qui se sont davantage organisés pour mieux s’impliquer dans la question climatique, traduit la démultiplication des enjeux et des initiatives, dans des cadres qui leur sont propres. C’est cette dynamique qui a fait l’objet du numéro 227 de la revue Pollution atmosphérique, consacré aux « parties prenantes »  (http://lodel.irevues.inist.fr/pollution-atmospherique/index.php?id=5201)

Créée dans le prolongement du sommet Climat et territoires qui a rassemblé, en 2015, les acteurs du climat en amont de la COP 21, Climate Chance est la seule association internationale se proposant de réunir à égalité l’ensemble des 9 groupes d’acteurs non-étatiques reconnus par la CCNUCC : collectivités locales, entreprises, ONG, syndicats, communauté scientifique, représentants du monde agricole, de la jeunesse, des peuples autochtones et des femmes pour faire émerger des priorités et des propositions communes et pour renforcer les dynamiques d’acteurs par la mise en relation (coalitions thématiques, sommets, portail d’action).

Le rapport annuel de l’association montre la variété des actions engagées et, en même temps, leur caractère partiel individuellement, car seule la cohérence d’ensemble peut être opérationnelle dans ce tissu dans lequel les mailles sont toutes imbriquées.

Ce bilan, dont la version française a été présentée le 28 novembre 2019, consiste en quatre cahiers traitant respectivement :

•        Du bilan de l’action climatique par secteur d’émission.

•        Du bilan de l’action climatique des collectivités territoriales.

•        Du bilan des actions d’adaptation en partenariat avec le Comité 21.

•        Et d’un cahier « finances » réalisé en partenariat avec Finance for Tomorrow

Le résumé exécutif[2] donne une bonne idée de l’ampleur du travail réalisé. En effet, le contexte géopolitique de l’année 2019 n’a pas été favorable aux politiques mises en place pour faire la promotion des objectifs de développement durable. Pourtant, cette même année montre avec certitude que l’altération des conditions climatiques est suffisamment profonde pour que les sociétés soient contraintes d’adapter les différents systèmes socioéconomiques à moyen ou long-terme.

Le cahier sur l’adaptation, réalisé en partenariat avec le Comité 21 reprend, dans une longue introduction, l’histoire de l’adaptation, les concepts sur lesquels elle repose et la difficile métrique utilisée pour tirer des bilans globaux. L’adaptation ne bénéficie toujours pas d’une attention égale à l’atténuation qui lui était promise depuis Cancún même si les actions entreprises dans ce cadre ont bien souvent des impacts positifs sur l’atténuation ; elles permettent d’éviter des consommations énergétiques fortes.

Malgré des liens évidents, les démarches d’adaptation se distinguent des approches typiques d’urbanisme et de développement durable (Carmin[3] et al., 2012). Tout l’enjeu pour les gouvernements locaux est de regarder l’ensemble de leurs activités au travers de la « lentille climatique », pour parvenir à passer d’une logique d’adaptation incrémentale centrée sur la réaction à des évènements ponctuels, à une logique transformative plus structurelle et anticipative des changements à venir.

Les actions présentées, dans la diversité des territoires et des contextes locaux, mettent en évidence le rôle des associations qui, au quotidien, montrent aux citoyens quelles sont les attitudes vertueuses pour le climat et pour leur santé, tout en étant à leur portée. Ronan Dantec, le président de l’association, élu local à Nantes, sénateur, qui a corédigé, en 2015, avec M. Delebarre en préparation à la conférence de Paris, un rapport[4] sur le rôle des collectivités locales dans la mobilisation internationale face à la menace climatique, a accordé un entretien à la revue « Pollution Atmosphérique » (http://lodel.irevues.inist.fr/pollution-atmospherique/index.php?id=6591).  Il y présente sa vision du rôle des villes dans la préparation et les suites de l’accord de Paris, dont la réussite dépend in fine de l’implication de l’ensemble des habitants au sein d’une ville plus solidaire.


[1]  United Nations Framework Convention on Climate Change.

[2] Pour lire le résumé exécutif, cliquez ici (https://www.climate-chance.org/wp-content/uploads/2019/12/resume-executif-bilan-2019-de-laction-climat-non-etatique.pdf)

[3] Carmin, JoAnn, Nikhil Nadkarni, and Christopher Rhie. 2012. Progress and Challenges in Urban Climate Adaptation Planning: Results of a Global Survey. Cambridge, MA: MIT

[4] Dantec R., Delebarre M., Les collectivités territoriales dans la perspective de Paris climat 2015 : de l’acteur local au facilitateur global [En ligne] : http://www.assemblee-nationale.fr/14/evenements/mardi-avenir/2014-06/MAE-rapport-2013.pdf