Enquête nationale Mobilité & Modes de vie – Edition 2020

by in Actualité 30 mars 2020

Le Forum Vies Mobiles a pour objectif de mieux connaître les pratiques de mobilités en France de manière à proposer des recommandations visant à décarboner les déplacements. D’où l’intérêt de cette enquête menée de janvier à mars 2019 auprès de 13201 personnes.

1000 personnes de chaque région de France Métropolitaine ont répondu à un questionnaire en ligne. Afin d’assurer la représentation des personnes moins diplômées, 1201 personnes titulaires au maximum d’un diplôme de niveau Brevet des collèges ont été interrogées en face à face. Les distances parcourues ont été évaluées en associant une vitesse moyenne à chaque moyen de transport (par exemple, 18km/h pour le vélo, soit 9 km parcourus pour un trajet de 30 minutes). Malheureusement, les différents modes de transport pris en compte ne sont pas détaillés.

Une mobilité fluctuante

Le premier résultat intéressant est celui de l’importance générale des déplacements. Celle-ci s’explique par l’augmentation de la mobilité des français mais aussi par la place prise par les déplacements dans le cadre de l’activité professionnelle. Cette mobilité dans le cadre professionnel, très liée aux activités de service, caractérise surtout des emplois modestes. La prise en compte de la mobilité liée au travail révolutionne le discours sur la relation entre mobilité et classes sociales, qui voudrait que plus on est riche et/ou diplômé, plus on se déplace et que quand on est pauvre on se déplace moins.

L’étude montre que les Français se déplaceraient en moyenne 10 h par semaine, ce qui correspond à une distance parcourue de 400 km. Ceux qui se déplacent le moins y consacrent 10 min par jour, mais ce temps de déplacement peut s’élever jusqu’à 5 h par jour pour ceux qui se déplacent le plus.

Parmi les Français en emploi, 63 % sont susceptibles désormais d’avoir des déplacements dans le cadre professionnel. Pour près d’un tiers d’entre eux (31%), ces déplacements sont quotidiens ou quasi quotidiens avec une fréquence égale ou supérieure à trois fois par semaine. Ces personnes, consacrent plus de 1h30 par jour (498 minutes par semaine) à se déplacer dans le cadre professionnel, parcourant en moyenne près de 75 kilomètres par jour.  

Des déplacement majoritairement à proximité

Les résultats de l’enquête mettent l’accent sur le seuil de 9 km qui correspond à un trajet de 30 minutes en vélo considéré comme un seuil au-delà duquel la voiture s’impose. Plus de la moitié des Français pratiquent leurs activités contraintes en proximité́ à moins de 9 kilomètres de leur domicile : 59 % des Français pour les activités vitales (rendez-vous médicaux, courses alimentaires, tâches administratives) et 72 % pour les activités d’accompagnement (enfants, personnes dépendantes).

Un quart de la population utilise sa voiture pour pratiquer des activités sociales (activités associatives, religieuses, sorties en soirée, visites chez les amis, à la famille). 15 % y ont recours pour les activités sportives dans un rayon inférieur à 9 km. D’autre part, 30 % des Français pratiquent l’ensemble de leurs activités à moins de 9 km de leur domicile. Pourtant, 1 sur 5 utilise tout de même une voiture pour se rendre sur son lieu de travail. 19 % des personnes en emploi parcourent entre 9 et 20 kilomètres pour se rendre au travail, soit l’équivalent de 20 à 30 minutes de trajet en voiture. Seuls 14% d’entre eux parcourent des distances de plus de 30 kilomètres. Comme le montraient déjà̀ les précédentes enquêtes transport, les plus hauts niveaux de revenus sont ceux qui parcourent les plus grandes distances pour aller au travail.

La culture de la mobilité a changé puisque les déplacements liés au travail n’occupent pas l’essentiel du temps consacré à se déplacer. En effet, 39 % seulement du temps consacré aux déplacements est lié à l’emploi. Les activités vitales représentent 13 % de ce temps mais le sport et les activités sociales en occupent 42 %. De plus, ce sont les activités sociales qui, en moyenne, se déploient sur une plus longue distance (34 km)

Quels facteurs d’influence ?

La mobilité́ est une pratique genrée : en moyenne, un homme parcourt par semaine 118 kilomètres de plus qu’une femme et se déplace deux heures de plus : près de 11h 30 (685 min) contre près de 9h 30 (563 min).

L’enquête a permis d’autre part de constater que plus les Français avaient une situation financière confortable et un niveau de diplôme élevé, plus ils avaient tendance à se déplacer vite. Les Français les plus riches et les plus diplômés ont ainsi tendance à parcourir plus de kilomètres, tout en ayant un temps de déplacement plus réduit. Il est dommage que pour une enquête pilotée par la SNCF, le mode de transport ne soit pas explicité. Les Français moins diplômés et moins riches, plus souvent confrontés à la mobilité professionnelle, se déplacent plus fréquemment mais aussi plus lentement.

La position socioéconomique influe sur le temps de déplacement. Ainsi, les hommes aux revenus et niveaux de diplôme élevés, habitant en Île-de-France et sans enfants (ou gardés par leur conjoint) passent plus de temps à se déplacer que les femmes aux revenus modestes, peu diplômées, habitant dans une ville moyenne et avec enfants. En revanche, les jeunes adultes et les jeunes retraités sont les catégories de personnes qui se déplacent le plus.

D’autre part, l’enquête montre que la densité de population d’une ville n’a pas d’influence sur la mobilité. C’est d’ailleurs dans les villes de taille moyenne que les déplacements sont les plus courts en termes de durée et de kilomètres. En Île-de-France, les individus parcourent moins de kilomètres, mais passent plus de temps à se déplacer (entre 2 et 3 h de plus). Ainsi, ces résultats remettent en question le modèle métropolitain qui, organisé autour d’une ville dense, permettrait de réduire les déplacements de ses habitants.

Le télétravail, une fausse bonne idée pour limiter les déplacements

Alors que le télétravail est souvent considéré comme une initiative écologique. Or, l’enquête montre que pratiqué moins de deux jours par semaine, il augmente les temps et les distances de déplacement pour le travail et les autres activités. Pratiqué plus souvent, il n’a au mieux aucune influence sur la mobilité. Cela s’explique par le fait que, dans le premier cas, le temps libéré est utilisé pour d’autres déplacements ou pour des déplacements domicile-travail plus importants mais jugés plus acceptables car moins fréquents. Aussi, il n’est pas suffisant d’encourager le télétravail s’il génère une distance plus grande entre l’habitat et le lieu de travail.

Recommandations pour une mobilité durable

Les résultats de l’enquête proposent des recommandations pour tenter de décarboner la mobilité.

Un premier point concerne les déplacements de proximité. Le recours à d’autres moyens de transport que la voiture pour les courts trajets reste toujours à encourager et à développer à travers les politiques de mobilité.

Une partie de la population exerce déjà̀ tout ou partie de ses activités en proximité́, c’est-à-dire à moins de 9 kilomètres de son domicile, soit une distance qui peut être parcourue en moins de 30 minutes à vélo. Pourtant, nombreux sont ceux qui ne réalisent ces déplacements qu’en voiture. Si certains n’ont pas le choix (âge, handicap, transport d’objets ou de matériel, etc.), d’autres pourraient abandonner leur voiture pour un mode actif et réduire ainsi sensiblement leur impact sur les émissions de CO2, la pollution locale et la congestion. Mais ce à condition que les routes permettent de circuler en sécurité́. Par ailleurs, avec des trajets tous inferieurs à 9 kilomètres du domicile, l’enchainement des déplacements en modes actifs semble possible.

Les commanditaires de l’enquête suggèrent des solutions pour diminuer l’usage de la voiture pour les déplacements domicile-travail. Ils suggèrent également une attention plus soutenue à l’organisation des déplacements dans le cadre des activités de service.

Il semble difficile de limiter la voiture pour les activités vitales et d’accompagnement. Ce sont aussi celles qui, lorsqu’elles sont pratiquées en proximité́, dépendent le plus de la voiture : entre 40 et 50% de ces déplacements effectués en moyenne à moins de 9 kilomètres le sont en voiture exclusivement.

Mais ne faudrait-il pas aussi repenser la distance instaurée entre les liens sociaux en raison de la facilité et de la rapidité offertes par les transports ?

Retrouvez l’enquête complète sur https://fr.forumviesmobiles.org/sites/default/files/editor/rapport_enquete_nationale_mobilite_modes_de_vie_2020_fvm.pdf et sa synthèse sur https://fr.forumviesmobiles.org/sites/default/files/editor/synthese_enquete_nationale_mobilite_modes_de_vie.pdf