Le Comité 21 met à la disposition du public un nouveau rapport sur « La grande transformation, freins, leviers et moteurs »

by in Actualité 25 août 2020

Un résumé rédigé par Isabelle Roussel (Présidente d’honneur de l’APPA)

Ce rapport avait été publié en janvier 2020 mais cette nouvelle édition tient compte des remarques reçues sur le précédent rapport et de la situation actualisée par la pandémie. Certes ces propositions s’intègrent dans les nombreuses contributions qui cherchent à façonner le monde d’après mais les 200 pages qui constituent se travail ne recyclent pas des idées préconçues, elles proposent une analyse, loin de toute idéologie, ancrée dans le souci d’une transformation radicale telle qu’elle est souhaitée pour répondre aux défis que pose le changement climatique. Ce souci de radicalité se traduit par le choix du terme de transformation en référence au livre phare de l’économiste hongrois Karl Polanyi, « La Grande Transformation », publié dans le contexte chaotique de 1944.

L’enjeu d’une transformation globale du modèle économique

Selon le Comité 21, la pandémie offre un « moment de bascule » qui permet de réaliser des changements profonds ancrés dans un socle stratégique dépassant les réformes sectorielles pour construire un paradigme nouveau. En effet, la transition par « petits pas » ou « incrémentale » s’est jusqu’ici non seulement avérée insatisfaisante et incertaine quant à ses résultats. De plus, compte tenu de la gestion des urgences et de l’accélération des phénomènes, elle a été la source d’effets pervers : « business as usual », « greenwashing », inertie, immobilisme, voire inaction.

L’enjeu consiste à sortir du récit de la croissance et du progrès fondé sur des technologies orientées vers la performance scientifique et technique, pour construire une Transformation globale du modèle économique en cherchant des solutions innovantes ; le Comité 21 essaie d’appliquer la devise d’Einstein : « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». « Deux mois de confinement nous auront rendu à notre condition humaine ancestrale : la vulnérabilité et l’impérieuse nécessité de l’ancrage territorial ».

Focus sur l’Agenda 2030

Ce document s’appuie sur le socle que constituent les ODD que le Comité 21 a toujours eu le souci d’implémenter en France depuis leur promulgation par l’ONU en 2015. Face au contraste criant entre l’esprit des ODD et l’état actuel du monde, la mise en œuvre de l’Agenda 2030 est sans doute l’unique « récit », partagé par la communauté́ internationale, vers une mondialisation « humaniste » et « lumineuse ».

L’« Agenda 2030 » constitue sans doute de précieuses prémices pour construire un nouveau « narratif », loin du paradigme de la croissance, autour d’un ensemble de valeurs et de droits, autour des notions de « communs » et de « monde viable ». Mais l’appropriation de ce document est difficile dans le monde mais aussi en France où il a été superbement ignoré puisque le premier discours public complet sur les ODD « à la française » date de septembre 2019. L’essentiel du récit porté par l’Agenda 2030, « c’est de produire du « Nous » et lui donner sens », ce qui doit permettre de déplacer le récit de son obédience majoritairement économique à un posi tionnement culturel et humaniste.

Quels freins et quels leviers pour la transformation ?

Ce document s’attache à détailler quels sont les freins mais aussi les leviers sur lesquels la transformation peut s’appuyer. Il reprend des remarques élaborées dans le Rapport d’information sur les freins à la transition énergétique, rédigé, dans le cadre de l’Assemblée Nationale par Julien Dive et Bruno Duvergé en juin 2019.
Cette transformation ne s’effectuera pas sans donner des objectifs précis et un cadre narratif dans lequel la société peut se retrouver. Or, construire un récit positif pour les sociétés industrialisées sans retour de la croissance forte n’est pas chose impossible, certains auteurs mettant en évidence que bonheur subjectif et PIB y sont décorrélés depuis longtemps.

De même, les liens entre croissance d’une part, réduction des inégalités ou emploi d’autre part ne sont pas aussi solides que l’on peut généralement le penser. Ce lien entre des perspectives mondiales et le désir d’un ancrage territorial ne pourra se faire qu’en pratiquant la déconcentration, la différenciation et la décentralisation des territoires. C’est par leur transformation ancrée dans la nature que pourra prendre corps un nouveau récit pour « habiter la terre » de manière égalitaire.

Le rapport aboutit à l’énoncé de 12 propositions qui encouragent des transformations structurelles loin des ajustements structurels souvent programmés dans les nombreux plans en vigueur. En définitive, on voit bien que ce sont les innovations de la société́ civile sur le terrain (collectivités, entreprises, citoyens), associées à des ruptures technologiques, comme le numérique aujourd’hui, qui peuvent, par leur « capacité́ collective à agir », nous faire cheminer vers une société́ « post- capitaliste » et vers la « resocialisation de l’économie » et sa ré-naturalisation.