Les représentations sociales du changement climatique : 22ème vague, octobre 2021 ADEME

by in Actualité 17 décembre 2021

Cette année ce sondage, passé en ligne en juillet 2021 sur un échantillon représentatif de la population française, inclut une enquête sur les plus de 55 ans.

Pour 13 % des français, l’environnement/transition écologique[1] est considérée comme le sujet le plus préoccupant après la santé publique, placée en n°1 par 17 % des enquêtés, et l’immigration (14 %). Les préoccupations sur l’emploi sont en baisse (12 %), mais se situent devant la sécurité, qui n’est classée en n°1 que par 11 % des français.

Au sein de cet ensemble environnement/transition écologique, l’effet de serre et le réchauffement climatique arrivent en tête des préoccupations environnementales (34 %), mais la dégradation de la faune et de la flore préoccupe 21 % de la population. La pollution de l’air régresse à 9 %.

Fig. 1. Évolution des préoccupations environnementales des enquêtés (placées en numéro 1).

Si l’effet de serre/réchauffement climatique arrive en tête des préoccupations environnementales avec un niveau jamais atteint, la pollution atmosphérique semblerait de plus en plus masquée par ce dernier dont la couverture médiatique est bien plus massive et croissante ces dernières années. Il faut aussi souligner la confusion fréquente dans les esprits entre les gaz responsables de l’effet de serre et les polluants toxiques de l’atmosphère. On peut également noter la montée en puissance dans les préoccupations des Français de la dégradation de la faune et de la flore, enjeu dont les médias se sont fait largement l’écho, mettant d’ailleurs en avant les liens entre la biodiversité et le changement climatique.

En dépit de la forte médiatisation de l’effet de serre, 66 % seulement des répondants estiment que le réchauffement climatique est « une certitude pour la plupart des scientifiques » alors que 34 % estiment qu’il s’agit d’une hypothèse sur laquelle les scientifiques ne sont pas tous d’accord. Il est étonnant de voir que ces chiffres ont peu varié depuis l’an 2000 où l’on comptait déjà 60 % de convaincus contre 32 % estimant que ce n’était qu’une hypothèse.

78 % des répondants affirment que le changement climatique est lié aux activités humaines alors qu’ils étaient 81 % en 2009. 22 % des enquêtés estiment au contraire qu’il s’agit d’un phénomène naturel qui a toujours existé, montrant ainsi que le plaidoyer en faveur de l’origine anthropique du réchauffement a du mal à atteindre les plus réticents, même s’ils étaient 30 % en 2010.

De façon générale, depuis 2002, le nombre de répondants reconnaissant la responsabilité des différents secteurs d’activités dans la croissance de l’effet de serre augmente. C’est le cas en particulier en ce qui concerne la contribution des centrales électriques et de l’agriculture. On note aussi que parmi les secteurs perçus comme les plus émetteurs de GES, 53 % des enquêtés citent encore le nucléaire.

Fig. 2. Attribution des émissions de GES produites par différents secteurs d’activité

L’augmentation des catastrophes naturelles demeure, comme dans les enquêtes antérieures, la manifestation qui inquiète le plus les enquêtés (48 %), mais le réchauffement estival des températures est cité par 15 % d’entre eux, et les migrations de populations par 14 %.

On note par ailleurs une majorité importante de réponses négatives à la question de savoir si le réchauffement climatique sera limité à des niveaux raisonnables d’ici la fin du siècle (66 % de réponses probablement pas et certainement pas, contre 34 % des probablement et certainement).

Concernant la médiatisation du changement climatique, 44 % des enquêtés déclarent que l’on en parle suffisamment dans les médias. Ce chiffre reste stable depuis 2011. En revanche le pourcentage de ceux qui considèrent que les médias parlent trop du climat est en légère augmentation. Peut-être faut-il y voir l’approbation de la priorité donnée aux événements sanitaires dans la presse.

Concernant les conséquences en France du changement climatique à l’échéance d’une cinquantaine d’années (fig.3), 65 % des enquêtés ont le sentiment que les conditions de vie deviendront plus pénibles contre 60 % en 2006. 32 % considèrent qu’il sera possible de s’y adapter sans trop de mal alors qu’ils étaient 43 % en 2014. Un tiers des Français apparaît donc encore à convaincre des risques liés au réchauffement.

Fig. 3. Pourcentage des réponses sur les conditions de vie liées au changement climatique

De manière assez stable depuis l’année 2006, si 58 % de la population pensent qu’il faudra modifier de façon importante les modes de vie, 13 % pensent que le progrès technique permettra de trouver des solutions pour limiter le réchauffement, 18 % sont d’avis que c’est aux États de rechercher un accord mondial pour y parvenir et 11 % pensent qu’il n’y a rien à faire.

L’opinion est partagée sur la question de savoir si les changements induits par le réchauffement du climat représentent une opportunité (52 %) ou une contrainte (48 %), mais, d’après les enquêtés, pour que ces changements soient acceptés, ils doivent être partagés de façon juste par tous les membres de la société.

Le public perçoit clairement la perspective de politiques territoriales d’adaptation, en particulier ceux qui disent avoir déjà ressenti les effets du changement climatique mais, paradoxalement, seuls 21 % des enquêtés croient à l’efficacité des élus locaux. Ce nombre est d’ailleurs en augmentation, il était de 9 % en 2016. Cette évolution montre l’intégration progressive de la nécessité d’une adaptation locale et de la mise en œuvre d’actions résilientes pour lutter contre les catastrophes qui menacent. Cependant, ce sondage montre combien la notion d’adaptation est mal comprise. L’interrogation sur la signification de l’adaptation recueille le plus grand nombre de sans réponse. 16 % confondent adaptation et atténuation, et pour 11 % l’idée d’adaptation évoque la soumission et la résignation. 16 % répondent par un changement de mode de vie.

Fig. 4. Évolution des opinions sur les mesures souhaitables à mettre en œuvre

Quelles sont les actions mises en œuvre pour limiter les émissions de carbone ? A l’échelle collective, le classement de ces actions reflète le degré de contraintes. Réduire le gaspillage alimentaire et développer les énergies renouvelables paraissent plus acceptables que des actions portant sur les transports et la consommation. Il semblerait qu’en raison des contraintes sanitaires imposées par le COVID, l’idée de contraintes climatiques soit moins bien acceptée. Une hausse de la taxe carbone recueille des approbations différentes selon que la formulation de la question. Si elle est formulée de façon brute, elle recueille 51 % d’approbation mais 72% l’approuvent  si elle est soumise à la condition que cela ne pénalise pas le pouvoir d’achat et que des mesures de compensations justes soient instaurées.

Fig. 5. Pourcentage d’adhésions aux actions proposées

A l’échelle individuelle, comme les années précédentes, c’est le tri des déchets qui paraît la mesure la plus pratiquée (84 %). L’item consommer moins arrive en 7ème position (58 %) ! Les mesures les moins acceptées concernent les transports… La voiture est encore indispensable pour beaucoup.

Fig. 6. Évolution de l’adhésion à des actions depuis 2007

Entre 2019 et 2021, on observe une augmentation nette des pratiques favorables à la lutte contre le réchauffement. La pandémie aurait-elle eu un impact sur la sobriété ?  Le fait de consommer moins a remporté l’adhésion de plus de 10 % des enquêtés. Il semblerait, en revanche que l’acceptation des contraintes imposées par la puissance publique progresse moins que les actions individuelles. A partir de 2016, le vélo et la marche ont enregistré une hausse significative et, depuis 2017 la baisse des températures du logement, qui n’est peut-être pas sans incidence sur la santé.

On peut noter que 61 % des enquêtés sont favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires sur site (66 % des hommes et 56 % de femmes).

L’enquête réalisée sur les personnes de plus de 55 ans fait apparaître des différences non négligeables d’avec les personnes plus jeunes. Les plus âgés font preuve de davantage de scepticisme quant aux origines anthropiques du changement climatique, que l’on ne peut attribuer à d’autres variables (niveau de diplôme, orientation idéologique). Celui-ci apparaît donc bien lié à l’âge et peut se comprendre comme un effet de génération, qui ne se retrouvera pas nécessairement dans les générations à venir. En ce qui concerne les pratiques de la frange plus âgée, on observe un certain nombre de pratiques « économes » liées pour l’essentiel à des façons de faire anciennes « très probablement ancrées dans les générations antérieures et limitées à certains domaines (notamment énergie) ».

Quant aux seuls retraités et aux évolutions des comportements liés au passage à la retraite, ceux-ci se limitent pour l’essentiel à la consommation alimentaire et la mobilité. En matière de logement les stratégies d’adaptation sont plus fréquentes que les décisions de changement. Les retraités portent un regard assez bienveillant sur les jeunes générations qu’ils pensent « plus ou autant respectueuses de l’environnement ». Ils ont un regard contrasté sur leur propre génération, partagé entre un remord d’avoir été « trop peu sensibles à la question du changement climatique » et un déni de responsabilité motivé par le manque d’information.

Les résultats de cette enquête sont disponibles à l’adresse suivante : https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/4998-representations-sociales-du-changement-climatique-22-eme-vague-du-barometre.html


[1] Le terme de transition écologique a été adjoint à celui d’environnement pour actualiser la notion aux questions contemporaines.