Quelles superposition des inégalités environnementales et sociales ? Résultats d’une étude de France Stratégie

by in Actualité 12 mai 2023

La cartographie entreprise a pour ambition d’apporter un éclairage sur la double vulnérabilité aux inégalités environnementales et sociales ; elle est le fruit d’une analyse croisée de six types de pollutions des sols et de l’air pour l’ensemble des communes de France métropolitaine en fonction de caractéristiques socio-économiques des populations.

Les limites méthodologiques de ce type de travail sont connues :

  • L’absence de données épidémiologiques permettant d’étudier la répartition géographique de maladies susceptibles d’être induites par certains polluants contraint à se focaliser sur les facteurs de risques. Or, la plupart des risques sanitaires liés à l’environnement sont plurifactoriels.
  • Les données relatives aux pollutions sont disponibles de manière très disparate selon les territoires et la nature des pollutions étudiées, les analyses infra-communales sont impossibles.
  • Les bases de données utilisées sont très hétérogènes.

Les critères pris en compte :

  • Plusieurs critères sociaux par commune ont été pris en compte pour la population de 15 à 64 ans : âge, niveau de vie, nombre d’ouvriers, de cadres ou de chômeurs….
  • L’exposition à la pollution des sols croisée avec les déciles de niveau de vie permet d’observer une relation fortement décroissante entre sols pollués non conformes et niveau de vie de la commune : 70 % des 10 % des communes les plus pauvres sont exposées à la pollution de leurs sols, contre 42 % des 10 % des communes les plus riches. Cette hétérogénéité est liée à la présence d’un ICPE sur le territoire de la commune.
  • Un indice d’exposition multiple (IEM) a permis de croiser les différents types de pollutions auxquels la population est soumise (SO2, NH3, PM10, Nox, PM2.5, au moins une pollution des sols).

En croisant ces différents indicateurs, l’objectif consistait à essayer de savoir si les populations socialement défavorisées seraient plus exposées à certains polluants et/ou à un nombre de polluants plus importants, aux effets toxiques combinés potentiels (« ­et cocktail »). Il s’agit d’opérer dans le cadre de la justice environnementale qui stipule qu’« aucun groupe, y compris une minorité ethnique ou un groupe socio-économique, ne doit assumer une part disproportionnée des conséquences environnementales néfastes résultant d’activités industrielles, municipales et commerciales ».

Les résultats

Les zones fortement polluées sont plus souvent les grandes agglomérations (10 %), suivies des zones résidentielles et industrielles (7 %). Les zones industrielles sont exposées au dioxyde de soufre et les zones résidentielles, au niveau desquelles le trafic routier est plus important, aux particules fines.

En moyenne, les communes les moins exposées ont des habitants relativement plus âgés que les communes à très haut niveau d’IEM : les individus âgés de moins de 30 ans représentent ainsi 29 % de la population des communes ne présentant aucun risque de surexposition, contre 31 % pour les individus de plus de 60 ans ; les moins de 30 ans représentent au contraire 37 % des individus vivant dans des communes à IEM égal à 6, contre 25 % pour les plus de 60 ans. Ce phénomène s’explique par la proportion plus importante de personnes âgées dans les petites communes en moyenne moins polluées et la plus grande proportion de jeunes dans les grandes villes et métropoles très polluées.

Les zones agricoles sont particulièrement exposées à l’ammoniac issu essentiellement des engrais azotés ou des effluents d’élevage (en 2016, 94 % des émissions d’ammoniac sont issues du secteur agricole). En moyenne plus présents dans les zones rurales, les individus vivant sous le seuil de pauvreté sont moins nombreux dans les communes rurales à faible IEM (-1 point), mais sont surreprésentés dans les communes rurales à IEM maximal (+4,5 points).

Dans les territoires industriels, le croisement entre inégalités d’exposition et inégalités sociales est le plus fort.

Dans les métropoles et les grandes villes, plus jeunes et plus riches, mais plus polluées, notamment à cause de la pollution de l’air, les particularités sociales de ces villes rendent les cadres particulièrement représentés dans les communes à IEM maximal. Les grandes villes et les métropoles se caractérisant par des niveaux de vie plus élevés, les cadres y sont surreprésentés. Les niveaux de pollution s’y expliquent par un trafic routier plus important et, dans certains cas, par la présence de sites industriels. Ainsi, 43 % des cadres résident dans des communes à haut niveau d’exposition. Le lien entre inégalités d’exposition et inégalités sociales dans les grandes villes n’est donc pas univoque

En conclusion, ces résultats qui relèvent du bon sens, ont nécessité de fournir un gros travail de collecte et d’homogénéisation des données. Ils ont le gros avantage de quantifier et de territorialiser des observations qui pourraient être dépourvues d’objectivité. Mais le territoire communal est-il pertinent pour interroger les inégalités ?