Comparaison de la politique de rénovation énergétique entre la France et quatre autres pays européens

by in Actualité 28 janvier 2021

Le Haut Conseil pour le Climat (HCC), instance indépendante créée en 2018, a publié en novembre 2020 un rapport sur la politique de rénovation énergétique française. Ce rapport répondait à une demande du gouvernement de comparer cette politique à celle d’autres pays européens (Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas et Allemagne) comme première étape d’une analyse comparative de l’action de la France en matière de climat. Le HCC a donc analysé la stratégie nationale au regard des stratégies conduites par les quatre pays cités et, sur cette base, proposé un large éventail de recommandations.


Le rapport rappelle l’enjeu et le défi majeurs que constitue la décarbonation du secteur du bâtiment, qui consomme environ 40 % de l’énergie finale en Europe, dans ses deux aspects, isolation de l’enveloppe et consommations énergétiques, en prenant aussi en compte l’adaptation au changement climatique, en particulier le confort thermique en saison chaude, dans le cadre de l’objectif de long terme de l’Union européenne d’atteindre la neutralité carbone à l’échéance 2050. En soulignant que cet objectif a été renforcé par le Pacte vert pour l’Europe qui a introduit une réduction des émissions de l’ordre de 50 à 55 % en 2030, contre 40 % initialement. Le rapport souligne la baisse des émissions des pays étudiés et celle de la moyenne des pays de l’UE depuis 1990, avec cependant un certain manque de qualité des données concernant le secteur tertiaire.

Des investigations conduites, il retient :

– En Allemagne, la conditionnalité des aides à la performance de la rénovation et le recours obligatoire à une expertise énergétique avec une politique publique importante de subventions des ménages et des entreprises via une banque publique d’investissement.

– Aux Pays-Bas, la mise en place d’une gouvernance locale afin de trouver des solutions de décarbonations des parcs publics et privés, limitant en particulier le recours au gaz fossile largement utilisé, et celle de feuilles de route pour le secteur tertiaire public.

– Au Royaume-Uni, un certain retard lié à la mise en place d’un système d’obligations de mesures d’efficacité énergétique (ECO) par les fournisseurs d’énergie aux financements divisés par deux, à l’échec et l’arrêt en 2015 d’un autre mécanisme financier (Green Deal), et à une réorientation du système d’obligations vers les foyers en situation de précarité énergétique qui apparaît inadaptée.

– En Suède, qui fait figure de meilleur élève, la mise en œuvre d’une taxe carbone et de normes exigeantes en termes de construction comme de rénovation énergétique, le recours massif à des ressources énergétiques décarbonées (réseaux de chaleur) pour le chauffage et l’eau sanitaire et la décarbonation de l’énergie primaire. Le rapport souligne la continuité des politiques menées depuis plusieurs décennies se traduisant par une décarbonation presque complète du secteur résidentiel.

Ce rapport démontre aussi que la performance énergétique des bâtiments a un impact sur la consommation d’énergie supérieur au déterminant exogène qu’est le climat local, celui-ci jouant dans le même temps sur l’incitation ou non à atteindre une performance énergétique élevée. Les situations propres à ces quatre pays n’intègrent pas ou peu l’importance de la chaleur de l’été qui représente en France un enjeu majeur.

La France présente un retard significatif par rapport à la trajectoire définie par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et des logements moins performants que ceux de ses partenaires européens étudiés dans le rapport. Si la progression du pays se situe dans la moyenne européenne pour ce qui concerne les logements privés, les bâtiments tertiaires (écoles, bureaux, hôpitaux, commerces etc.) progressent moins vite. Le rapport fait ressortir plusieurs faiblesses du dispositif français : politiques et mesures inadaptées aux besoins de rénovation profonde, temps long nécessaire à la rénovation des bâtiments et à la structuration des filières, faible capacité de financement des ménages, manque d’incitation et d’accompagnement dans le résidentiel mais aussi le tertiaire, défaut de maîtrise des solutions techniques ou encore déficit d’informations. Sur les 36 millions de logements français en 2019, le rythme annuel des rénovations énergétiques performantes est de 0,2%, alors que le HCC préconise d’atteindre les 1% par an dès 2022 puis 1,9% par an à partir de 2030.

Le défi que constitue pour la France la rénovation de son parc résidentiel et tertiaires apparaît très important, la SNBC visant un objectif minimal de 370.000 logements par an après 2022 et de 700.000 sur le long terme. Un tel effort représente des couts d’investissement considérables, exigeant, selon le rapport, un quadruplement des soutiens publics. Les exemples étrangers mettent en évidence la nécessité que les aides allouées soient strictement conditionnées au gain de performance énergétique en visant les rénovations globales. Ils font également ressortir le besoin de révision de l’ensemble de l’ingénierie financière, insuffisante pour atteindre le niveau BBC visé. Les aides forfaitaires ne sont pas adaptées à la diversité des logements.Tout en faisant le constat de l’insuffisance des aides incitatives, le rapport se situe dans une démarche très technique limitant l’accompagnement à une assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO) alors que, en particulier pour la suppression des passoires thermiques, un accompagnement plus large apparaît nécessaire pour le montage financier et le suivi de l’opération.


Afin d’atteindre ces objectifs, le HCC conseille de massifier la rénovation énergétique des logements, bâtiments publics et tertiaires et de suivre des feuilles de routes selon les parcs et branches. De manière générale, l’outillage statistique permettant de suivre finement la rénovation énergétique reste insuffisant, un observatoire national de la rénovation énergétique est en cours de mise en place.  L’intégration de sources d’énergies bas-carbone sans mettre de côté les populations souffrant de précarité énergétique est aussi une priorité prônée par le rapport afin d’améliorer la situation dans une logique de transition juste.

Le rapport est disponible ici : https://www.hautconseilclimat.fr/publications/renover-mieux-lecons-deurope/