Incendies en Australie : Pour les historiens N. Oreskes et G. Supran, le congrès devrait investiguer l’industrie pétrolière

by in Actualité 13 février 2020

Selon les historiens Naomi Oreskes et Geoffrey Supran, la situation en Australie est un symptôme du réchauffement climatique. Les récents événements devraient ainsi selon eux inciter le Congrès à enquêter sur le rôle de l’industrie des combustibles fossiles dans le « chaos climatique ». Dans cet article, les chercheurs en histoire des sciences Naomi Oreskes et Geoffrey Supran commencent par dénoncer la manière dont le gouvernement australien gère la crise. Ils dénoncent notamment une ignorance la science et un manque de prise au sérieux de la situation. Les chercheurs dénoncent également le greenwashing des compagnies pétrolières. En effet, celui-ci contribue à la désinformation quant à la science et aux politiques face à ces incendies.

L’article revient sur l’investigation menée en octobre 2019 par une sous-commission du Congrès américain sur le rôle de l’industrie des énergies fossiles et leurs conséquences environnementales. Dans le cadre de cette sous-commission, la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a interrogé le chercheur Martin Offert, spécialiste du climat. Le Dr Martin Offert a mené une recherche pour le compte de l’entreprise ExxonMobil au début des années 80. Ce travail a permis de prédire, dès 1982, l’augmentation des concentrations en dioxyde de carbone et des températures observées aujourd’hui.

Energies fossiles : des impacts environnementaux connus depuis des années

C’était la première fois que le Congrès, et de fait une instance législative quelle qu’elle soit, recueillait un témoignage de première main indiquant que les risques en matière de climat liés à l’industrie des énergies fossiles étaient connus depuis longtemps, bien avant que les conséquences ne s’en fassent clairement sentir. Cet événement marque la force de ce type d’auditions, permettant de recueillir rapidement des témoignages et une documentation considérable. Il ne s’agissait que d’une audition, mais elle portait l’empreinte de l’enquête conduite dans les années 1990 sur les industries du tabac par le représentant H. Waxman.

Le message au Congrès après cette première percée est de continuer la recherche et l’investigation sur le sujet. Ces premiers éléments montrent que l’industrie des combustibles fossiles a nié le droit à l’information des Américains et du Congrès. Elle semble avoir tout fait pour retarder la reconnaissance des risques qui lui étaient associés, comme l’industrie du tabac précédemment.

Un rapport récent révèle d’ailleurs que certaines études sur la pollution au CO2 par les énergies fossiles datent des années 60. Les recherches témoignent des impacts potentiels sur le climat de l’industrie des énergies fossiles dès les années 50. Au fil des années, les experts ont évalué des conséquences de plus en plus dramatiques sur le climat. Pourtant, plutôt que de passer à l’action ou d’avertir le public, rien n’a été fait.

Une négation du droit à l’information

A la fin des années 1980 et dans les années 1990, le réchauffement climatique est devenu une préoccupation publique. Selon les auteurs, les compagnies du carbone ont alors choisi d’investir des milliards en publicité et en lobbying. Ils ont mis en doute la science, calomnié les scientifiques et attaqué les politiques pour préserver leurs profits.

De plus en plus de villes et mêmes d’états aux Etats-Unis ont décidé de poursuivre ExxonMobil et d’autres compagnies en justice. En Australie, de plus en plus de citoyens appellent à ce que les pollueurs paient pour les dommages environnementaux causés. La mobilisation se renforce d’autant plus que l’on découvre le nombre de personnes qui étaient au courant de ces impacts.

Deux mots d’ordre : investiguer et informer

Concernant le tabac, les percées majeures sont venues du Congrès. Les chercheurs appellent ainsi à s’inspirer de ce précédent. Ils soulignent que le grand public a le droit de connaître les conséquences environnementales concrètes des énergies fossiles. Ils demandent ainsi au Congrès de continuer à rassembler des preuves et des témoignages. D’autre part, ils insistent sur l’importance d’une diffusion des informations auprès du grand public. En effet, faire connaître les conséquences réelles de l’industrie des énergies fossiles pour favoriser la mobilisation. L’objectif, en mobilisant le grand public, serait d’encourager une réduction de l’usage des énergies fossiles.

Retrouvez l’article original, paru dans The Guadian, sur https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/jan/20/big-oil-congress-climate-change

Retrouvez également l’étude réalisée par Naomi Oreskes et Geoffrey Supran sur cette thématique à l’adresse suivante : https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa815f/pdf