Rapport des jeunes à l’environnement – étude du Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie (CREDOC)
Méthodologie de l’étude
Le CREDOC a croisé plusieurs études. La première est l’enquête annuelle « Conditions de vie et aspirations », menée auprès d’un échantillon représentatif de la population français (2976 personnes pour l’édition 2019). La seconde est l’enquête « Tendances de consommation » du CREDOC, dans le cadre de laquelle 1000 personnes de 18 ans et plus sont interrogés. La troisième étude exploitée est l’enquête « Représentations sociales de l’effet de serre », réalisée en 2017 par Opinionway pour l’ADEME. L’échantillon principal comportait 1500 personnes de 15 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas. Un échantillon supplémentaire de 800 jeunes de 15 à 30 ans a également été interrogé. Finalement, le CREDOC a aussi exploité les données des Eurobaromètres de la Commission Européenne, réalisés plusieurs fois par an. Le CREDOC a notamment utilisé l’Eurobaromètre 88,1 de 2017, portant sur l’attitude des Européens vis-à-vis de l’environnement.
Des préoccupations d’ordre environnemental de plus en plus fortes
Chez les jeunes (18-30ans) , les préoccupations environnementales arrivent en tête des proccupations, devant celles relatives à l’immigration et au chômage. Pour 32% des jeunes interrogés, l’environnement est une préoccupation majeure. Ce pourcentage n’avait jamais été aussi élevé dans les précédentes études du CREDOC. D’ailleurs, l’engagement des jeunes est croissant. 12% sont membres d’une association pour la défense de l’environnement, contre 3% en 2016.
Le réchauffement climatique et la disparition des espèces animales et végétales sont notamment au coeur des préoccupations des jeunes. Ils sont également une majorité à craindre l’évolution du changement climatique : 60% d’entre eux pensent que celui-ci ne sera pas limité à des niveaux acceptables d’ici la fin du siècle. 75% estiment que les conditions de vie vont considérablement se dégrader dans les temps à venir en raison du réchauffement climatique.
…mais un manque d’actions concrètes
En revanche, les jeunes restent des consommateurs hédonistes, attirés par les produits neufs et innovants. 20% des jeunes âgés de 18 à 24 ans décrivent la consommation comme un plaisir, soit 8% de plus que la moyenne de la population générale. Les jeunes restent attirés par l’achat de nouveaux biens, et ont d’ailleurs toujours tendance à fortement profiter des périodes de soldes. Ils ne sont que 56% à réduire leur consommation de biens et de vêtements, contre 63% pour la population générale. Les jeunes sont aussi moins nombreux à acheter des vêtements éco-responsables.
D’autre part, les jeunes n’ont pas encore commencé à faire de compromis avec leur désir de voyage. 28% ont pris l’avion deux fois ou plus au cours des douze derniers mois, contre 19% pour la population générale. Leurs pratiques en matière de durabilité sont moins frequentes que la moyenne.On peut citer le tri des déchets, l’achat de fruits et légumes de saison, la limitation de la consommation de viande, la réduction de la consommation d’électricité. En comparaison, en Suède les jeunes ont davantage de pratiques durables que le reste de la population. Cela appelle donc une réflexion quant à la façon de mieux encourager les pratiques durables chez les jeunes en France.
Cependant, les jeunes se démarquent en matière de transport en ayant fréquemment des habitudes plus écologiques. Ils privilégient la marche, le vélo, les transports en commun ou encore le covoiturage à l’usage d’une voiture personnelle. On peut également noter que les jeunes se tournent de plus en plus vers des alternatives à l’achat neuf, comme l’achat d’occasion, l’emprunt ou le troc.
Comment favoriser l’action concrète des jeunes ?
Le CREDOC liste plusieurs leviers d’action à employer pour encourager les pratiques durables chez les jeunes :
-Donner à voir les exemples concrets et positifs d’action, pour montrer que les actions peuvent avoir un réel impact;
-Montrer les bénéfices personnels, afin de montrer aux jeunes ce que les pratiques durables peuvent leur apporter;
-Positionner les pratiques durables comme différenciantes et désirables socialement, en somme les faire considérer comme des atouts;
-Montrer les évolutions positives dans les entreprises et les politiques publiques, ce qui peut encourager le sentiment de responsabilité individuelle et donc l’envie d’agir aussi;
-Utiliser l’attrait pour les technologies comme un cheval de Troie, en encouragant l’adoption d’applications favorisant la préservation de l’environnement.
Cette étude du CREDOC a donné lieu à de nombreuses réactions, commentaires et interprétations.
Réaction de Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement et enseignant à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Selon Arnaud Gossement, il y a une vraie évolution au niveau de la conscience écologique des jeunes. Il pointe d’ailleurs le fait que leur conscience écologique est entre 5 et 10% au-dessus de la moyenne française. Cette conscience écologique se traduit en un engagement grandissant. Cependant, Arnaud Gossement souligne que des disparités existent. L’engagement pour l’environnement est ainsi selon lui plus présent chez les jeunes issus de milieux favorisés.
Arnaud Gossement explique de plus constater un fort attrait pour l’écologie de la part des étudiants. Il est pour sa part persuadé que c’est un manque d’information des jeunes sur l’impact carbone du numérique qui freine leur engagement écologique sur cet aspect. Pour Arnaud Gossement, mieux informés, les jeunes agiront aussi en matière de numérique.
Réaction d’Olivier Galland, sociologue
Olivier Galland explique le décalage entre les inquiétudes des jeunes et leurs pratiques par le fait que la culture jeune est « consumériste par essence ». Les jeunes vivent selon lui au moment présent, et veulent profiter de la vie, voyager et partager leurs expériences (notamment via leurs smartphones). Ce mode de vie, ces aspirations, complexifient l’engagement écologique.
Olivier Galland pointe d’autre part des disparités au sein même de la jeunesse. En effet, tous les jeunes n’ont pas le même niveau d’engagement. Olivier Galland explique ces disparités par la différence de niveau d’études et par le milieu familial dans lequel le jeune a été élevé. Plus son niveau d’études est élevé et plus il a été élevé dans un milieu familial sensible aux questions écologiques, plus le jeune aura une ouverture qui lui permettra de s’intéresser aux enjeux environnementaux.
Olivier Galland note également que les jeunes ont certes voté plus « vert » que le reste de la population aux élections présidentielles, mais que beaucoup n’ont pas voté.
Retrouvez l’étude du CREDOC sur https://www.credoc.fr/publications/environnement-les-jeunes-ont-de-fortes-inquietudes-mais-leurs-comportements-restent-consumeristes. Retrouvez également les interviews d’Arnaud Gossement et d’Olivier Galland sur https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Jeunesse-ecologie-veritables-evolutions-sont-loeuvre-2019-12-29-1201068890 et https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/culture-jeune-consumeriste-essence-2019-12-29-1201068889.