Synthèse : Pollution de l’air & Coronavirus

by in Revue 23 avril 2020

Une synthèse rédigée par Margot Delattre (Chargée de projets veille scientifique à l’APPA), avec la contribution de l’ensemble de la cellule de veille.

Ces dernières semaines, de multiples articles, scientifiques ou non, traitant du rapport qualité de l’air extérieur/Covid-19 sont parus. Ces publications étaient axées autour de deux questions principales (1) l’influence de la pollution de l’air sur la transmission du Covid-19 et l’aggravation des symptômes (2) les effets du confinement sur la qualité de l’air en général. L’emballement médiatique autour de cette crise sanitaire contraste avec les connaissances actuelles et les postulats jusqu’à présent émis doivent à ce titre être clarifiés. L’Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique, grâce à l’expertise de plusieurs de ses membres, vous propose de faire le point sur ces deux sujets.

1) La pollution atmosphérique favorise-t-elle la transmission et l’aggravation de la maladie ?

Des études menées ces dernières semaines semblent montrer que des liens existeraient entre le taux de mortalité lié au COVID-19 et la pollution atmosphérique. Plusieurs hypothèses explicatives ont été émises. La 1ère porte sur une diffusion facilitée du virus par des particules de pollution. Des études, menées essentiellement en laboratoire, montrent que le nouveau coronavirus serait capable de survivre plusieurs heures dans l’air. Par ailleurs, les particules seraient susceptibles de transporter le virus, rendant possible une contamination par l’air. 

Cependant, aucune étude in-vivo ne permet de confirmer que l’air soit bien le vecteur du virus (bien qu’un cas transmission probable par circuit de climatisation dans un restaurant en Chine ait été signalé), et encore moins sur de longues distances sous une forme contaminante. Dans l’éventualité où la contamination par cette voie serait possible, l’air n’est dans tous les cas pas un vecteur de transmission majoritaire. Les gouttelettes et les surfaces restent les principaux vecteurs du virus selon l’OMS. 

En revanche, 2ème hypothèse, il est largement reconnu que la pollution atmosphérique favorise la sensibilité et la vulnérabilité du système respiratoire et du système immunitaire. A ce titre, l’exposition à la pollution atmosphérique sur la durée peut augmenter le niveau de fragilité des personnes vis à vis du virus, et donc le risque de survenue d’aggravation de la maladie voire de décès. La pollution atmosphérique et son impact direct (notamment inflammatoire) ou indirect (en favorisant certaines pathologies chroniques, elles-mêmes susceptibles de favoriser l’aggravation de la maladie Covid-19) doivent être pris en compte et étudiés.

Pour conclure, soulignons que l’on ne dispose pour l’instant que d’un nombre limité d’études sur les liens entre la pollution de l’air et le Covid-19. Ce champ d’études est largement ouvert, et de nouvelles publications viendront sans doute compléter ces premiers résultats et apporter un éclairage plus large et plus complet sur la question. 

Retrouvez le document sur les interactions entre la pollution de l’air et la maladie Covid-19 ici.

2) Le confinement, une “recette miracle” contre la pollution atmosphérique ?

Avec le confinement, l’activité du pays s’est considérablement ralentie. Les transports et les activités industrielles, fortement émetteurs de polluants de l’air, ont diminué. Une baisse des concentrations de plusieurs polluants (principalement des oxydes d’azote) a ainsi pu être constatée à travers la France. Cependant, il faut souligner que malgré ce phénomène, des concentrations de particules élevées ont été observées dans plusieurs régions françaises. Cela s’explique par le fait que d’autres secteurs (résidentiel, tertiaire et industriel)  demeurent les plus gros émetteurs de particules PM10 et PM2,5. Le transport des particules issues de l’étranger, via le déplacement des masses d’air, favorise également leur accumulation. 

De plus, des activités essentielles à la vie du pays, continuent. Bien que les agriculteurs prennent toutes les précautions nécessaires, l’agriculture demeure source d’ammoniac. Celui-ci, dans des conditions météorologiques favorables, peut réagir avec les oxydes d’azote et ainsi former des particules de nitrate d’ammonium : celles-ci peuvent représenter plus de 50% des particules PM10. Une pollution aux particules de nitrate d’ammonium notable a ainsi été observée pendant quelques jours à la fin du mois de mars.

Les conditions météorologiques printanières se caractérisent d’autre part par de fréquentes inversions de températures, qui freinent la dispersion des polluants et favorisent ainsi les accumulations et les mélanges de polluants. Des hausses des niveaux d’ozone ont été ponctuellement observées en relation avec ces conditions météorologiques favorables.

D’autre part, en raison du confinement et des basses températures qui ont été à plusieurs reprises observées au cours de cette période, les foyers ont eu tendance à davantage garder allumés les chauffages, source conséquente de pollution aux particules et aux oxydes d’azote. 

Les personnes sont ainsi moins exposées à la pollution extérieure, mais le sont encore plus qu’habituellement (en raison de la sur-occupation des logements) aux sources de pollution intérieures (produits d’entretien, appareils de combustion, aménagements dont mobilier…). Tout ceci montre que pour une amélioration véritable et globale de la qualité de l’air, une action sur l’ensemble des secteurs fortement émetteurs est nécessaire.

Retrouvez notre article sur la qualité de l’air extérieur en période de confinement ici.

Pour aller plus loin…

A l’heure où les débats concernent beaucoup la qualité de l’air extérieur, l’Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique souhaite aussi attirer votre vigilance sur l’air de votre logement, dont la qualité est cruciale pour votre santé, surtout en cette période de confinement. Nous vous renvoyons vers nos documents dédiés :

Polluants et confinement : améliorer l’air de mon logement

Virus et qualité de l’air intérieur : à vous d’agir !

Pour en savoir plus sur la qualité de l’air intérieur, vous pouvez aussi consulter le site Info Air Intérieur : 

http://infoairinterieur.fr/